C'est Christian Lacroix qui a mis en scène cette exposition. Il évoque " la fiction chatoyante, hypnotique, des contes, illustrés d’enluminures qui ont colorié à jamais ma mémoire de leurs étoffes et de leurs broderies, chargées, subtiles, de la grâce rustique ou princière, séduisante autant que distante de ces figures féminines dont la finesse venait toujours à bout de la cruauté des hommes et des mauvais génies."
Hana Chidiac, responsable des collections Afrique du Nord et Proche-Orient du musée, en est la commissaire. C'est elle qui gère les réserves du musée, mais elle a eu aussi recours à l'extraordinaire collection réunie par Widad Kawar, actuellement conservée en Jordanie.
On découvre aussi une pièce unique : la robe d'une petite fille de trois ans, morte de façon tragique au milieu de XIIIème siècle et dont la momie a été retrouvée dans une caverne au Liban, prêtée par le Musée National de Beyrouth.
Ce qui frappe, c'est la grande homogénéïté des formes de ces robes, encore qu'une au moins soit extraordinairement grande : plus de 3,5m de hauteur. Il ne faut pas manquer la courte vidéo qui montre comment on peut la revêtir...Le plus extraordinaire, ce sont les motifs brodés. A partir de fonds unis sombres, noir ou indigo, ou écru, c'est un festival de broderies colorées. J'engage toutes les ferventes adeptes du petit point à ne manquer cette exposition sous aucun prétexte. Quelle que soit la matière : coton, lin, soie, chaque robe est une création magique, un morceau de bravoure, un manifeste de l'habileté de sa créatrice. Il est vrai que ces tenues de fête, le plus souvent de mariage, ont une signification sociale aussi importante que leur valeur esthétique.
Syrie, Liban, Palestine, Neguev, Jordanie, Gaza..(Saviez-vous que le tissu que l'on nomme gaze est en fait une spécialité des tisserands de la région de Gaza....comme la mousseline celle de Mossoul ?) Des régions dévastées par la guerre depuis plus de soixante ans et où l' on étouffe aujourd'hui les femmes sous d'immenses éteignoirs noirs. Alors que leur costume traditionnel, de temps immémorial, est d'une richesse et d'une gaité infinies. C'est de cette volonté de montrer ces traditions vestimentaires populaires qu'est née cette exposition. Une tradition qui n'a pas totalement disparu et continue à se transmettre de mère en filles : les quelques robes contemporaines brodées des attributs et des couleurs de l'Etat palestinien sont très émouvantes. Mais n'ont-elles pas été faites justement et uniquement pour cette exposition ? La robe, en tant que marqueur social, indicateur géographique et religieux, langage propre. Oh que oui, au Proche-Orient comme chez nous, évidemment. Chaque village, chaque région a son motif de broderie, ses teintes de prédilection. Allez vous perdre sur le tapis volant moelleux dessiné par Christian Lacroix, vous imaginer dans une de ces superbes casaques aux manches effilées comme le calice d'une fleur gigantesque, avec au cou ces lourdes broderies de sequins...Une escale au pays des mille et une nuits.Et pour relever le patron, cela ne devrait pas être trop difficile : les manches sont taillées en triangle, et on récupère la chute du triangle pour en faire une "quille" double, qui donne son ampleur sur les côtés de la robe.
Je sens que je vais me coudre un joli caftan pour cet été...et en attendant, je vous prépare un diaporama des plus jolies pièces, les photos sont malheureusement un peu floues car sans flash, il y a peu de lumière disponible...Mais c'est déjà bien sympathique que les photos soient autorisées.
L'Orient des femmes, au musée du quai Branly jusqu'au 15 mai 2011, du mardi au dimanche à partir de 11 h, 8,50€ avec accès aux collections permanentes, 37, quai Branly Paris 7ème