Marine Le Pen a été élu présidente du Front National, assez largement, face à son opposant, Bruno Goldnisch. Elle espère non seulement rééditer aux prochaines présidentielles, l’exploit de son père en 2002, qui s’était qualifié pour le deuxième tour, mais elle espère même faire mieux encore. Longtemps, Marine Le Pen était la fille de… Elle est désormais devenue l’héritière. Par ailleurs, l’avènement de la fille Le Pen et sa naissance tardive, ont des conséquences sur le plan idéologique. La sémantique n’est plus exactement la même, signant la clôture définitive de l’après-guerre, dans l’ensemble de la classe politique française. Fini les références à Vichy, la seconde guerre mondiale, la guerre d’Algérie… Tout cela est rendu aux Historiens. Par ailleurs, la future candidate pour 2012 est créditée d’importantes intentions de vote, le FN remontant sérieusement dans les sondages, et cela face à une droite qui paraît divisée.
Marine Le Pen est née en 1968. Et elle a d’abord plu aux médias, en se revendiquant d’un héritage sociétal sur le divorce ou l’avortement. Mais le paradoxe est aussi qu’elle se soit imposée récemment, en dynamitant l’un des purs produits de cette dérive libertaire, lorsqu’elle dénonça avec une rare efficacité, les dérives sexuelles de Frédéric Mitterrand. Autre paradoxe, elle s’est enracinée dans le Nord de la France, dans une critique serrée de la mondialisation libérale, et dans un discours proche de la gauche des gauches. Certes, déjà du temps de son père dans les années 80, les effets de la mondialisation, détruisant les emplois des ouvriers, mais aussi en essorant les indépendants, commerçants, petits patrons, avaient rassemblé dans le même camp des victimes, deux électorats jadis adversaires de classes. Le Front National est devenu le premier parti ouvrier de France depuis les années 80, au détriment du Parti Communiste. Mais la critique de gauche de la mondialisation libérale, s’arrête toujours au sujet tabou de l’immigration. C’est pour cette raison majeur, que les grands dirigeants souverainistes, comme Séguin ou Chevènement, ne sont jamais parvenus à réunir l’ensemble des suffrages populaires dans les débats autour des grands référendums européens.
Sur ce sujet, dans une habile évolution sémantique, Marine Le Pen, elle-même, parle moins d’immigration que son père, et plus d’Islam. Elle reprend, là aussi, l’ancien discours de la gauche, en particulier du PCF et de Georges Marchais dans les années 80 - mais abandonné par elle, dans un grand virage sémantico-idéologique au début des années 1990. Un discours prônant une laïcité rigoureuse, s’attaquant aux féodalités d’argent et prenant même parti contre ces délinquants qui pourrissaient la vie des autres, en particulier des plus modestes. Sur la scène politique européenne, aux Pays-Bas, en Italie, des mouvements dits populistes, font également leur irruption sur la scène politique et entrent même dans des coalitions gouvernementales. En 2007, Nicolas Sarkozy a versé dans une forme de populisme, coupant le FN d’une base électorale, qu’il ait ainsi parvenu à s’attirer. Certains politicologues et analystes s’accordent même pour dire, que c’est bien cette habile stratégie, qui vient expliquer son excellent score au 1er tour. Mais depuis les dernières élections régionales, le Front National a réopéré une sérieuse poussée électorale, alors que certains sondages récents, créditent Marine Le Pen de 20 % d’intentions de vote, aux prochaines élections présidentielles, faisant d’elle un “troisième homme” potentiel.
Jean-François Copé dénonce au sein de l’UMP, par exemple, tout accord. Mais au sein du grand parti de la majorité, le collectif de la Droite Populaire - réunissant une trentaine de députés -, a renoué avec le vieux slogan, “pas d’ennemi à droite”. Alors quel positionnement pour la droite, vis-à-vis du FN ? Comment ces complexes oppositions idéologiques, au sein de la majorité, peuvent-elles se traduire ? Autant de questions et d’énigmes qui trouveront des réponses, en 2012…
J.D.