Le premier ministre du Québec et le maire de Québec viennent d’annoncer conjointement la construction d’un amphithéâtre multifonctionnel au coût de 400 millions $ à Québec payé par les taxes : 50% par l’ensemble des Québecois et 50% par les citoyens de la ville de Québec.
Après que le gouvernement fédéral et les entreprises privées eurent refusé de se joindre à la réalisation de ce projet, le maire a imaginé un semblant de montage financier public « initial et final » pour le réaliser d’ici 2015. Pour lui c’est facile : ce sont ses payeurs de taxes qui vont payer la contribution de 200 de millions $. Il a vite oublié sa promesse, faite lors de la dernière campagne électorale qui l’a réélu, de limiter à 50 millions $ la part de sa ville. Il croit que ses concitoyens accepteront avec satisfaction ces nouvelles charges puisque, dit-il, « ils veulent à tout prix un nouvel amphithéâtre ». Je crains qu’il soit désagréablement surpris de leurs réactions.
Ce qui me surprend et me désappointe c’est la décision du PM québécois Jean Charest d’accorder 200 millions pour ce rêve irréaliste. Alors que la dette du Québec augmente; que le déficit croît; que le gouvernement serre la ceinture à tous les ministères; que le système de santé, déjà saturé, devient de plus sollicité par la population; que les procureurs publics sont en grève; etc….voilà que le PM choisit de faire de la petite politique afin que sa cote de popularité remonte dans la région de Québec où elle est décroissante depuis un bon moment. Ce n’est pas à son honneur, mais il faut dire, en même temps, que la chef de l’opposition, Madame Marois, est aussi favorable au projet car elle n’a pas les moyens politiques de l’opposer, étant donné qu’elle veut battre les députés libéraux de la région de la ville de Québec, aux prochaines élections,. En somme, nos politiciens sont tous pareils, ils n’ont pas de couilles !
Charest et Labeaume ont employé tous les arguments et qualificatifs pour justifier leur projet : Québec est une ville modèle; le futur moteur économique de la province; un projet qui deviendra une source de fierté pour la capitale nationale; il faut avoir confiance dans l’avenir; ce sera un appareil urbain catalyseur pour le développement de la ville; une action de courage politique; sans augmentation de taxes; un projet à la hauteur des ambitions des citoyens de l’Est du Québec; etc.. comme si c’était suffisant pour le faire accepter.
Le maire prétend pouvoir baisser les dépenses de la ville de 20% durant les prochaines années pour trouver l’argent nécessaire à la construction de l’amphithéâtre. Si c’est possible, cela voudra dire que les citoyens de Québec ont été mal administrés et ont payé trop de taxes dans le passé. Sinon, cela veut dire que le maire devra couper dans les services aux citoyens. On verra bien, ce jour là, la réaction de ces derniers. En réalité, il est clair que le maire Labeaume dit n’importe quoi !
D’ailleurs le maire a admis lui-même durant la conférence de presse, qu’un tel édifice n’est pas rentable sans une équipe de hockey sur glace, et il le propose quand même ! Même si la ville de Québec a connu un développement économique satisfaisant depuis quelques années, ce n’est pas une ville où il y a beaucoup de richesses. C’est une ville de fonctionnaires. La population du bassin régional est petite, même si on y ajoute celui du Bas-Saint-Laurent. Cela n’a rien à voir avec Montréal. D'ailleurs, il faut se rappeler que la ville de Québec a déjà eu une équipe professionnelle d'hockey sur glace "Les Nordiques de Québec" et l'a perdue car ce n'était pas rentable pour les propriétaires.
Un tel amphithéâtre est rentable si les loges dédiées aux compagnies privées sont toutes vendues. Or le nombre de grosses compagnies à Québec est limitée et ce ne sont sûrement pas les ministères ou les agences gouvernementales qui achèteront ces loges qui coûtent entre 100M$ et 200M$ par an. Quant à l’obtention d’un club de hockey professionnel, rien n’est certain de ce côté-là d’autant plus que le président de la LNH a dit et répété que Québec ne peut s’attendre à obtenir une équipe dans la ligue. Sans hockey, c’est 55 jours de location perdue. Le centre Bell de Montréal, serait-il rentable sans l’apport du club d’hockey « Les Canadiens ».
Quant aux spectacles comme ceux de Céline Dion, y aura-t-il suffisamment de personnes prêtes à payer les prix exorbitants demandés pour assister à ces représentations, comme à Montréal où la population régionale dépasse les trois millions d’habitants ! Et les individus qui dépenseront une partie de leur budget « spectacles » pour aller au nouvel amphithéâtre de Québec, auront-t-ils suffisamment de fonds pour continuer à assister au même nombre de représentations théâtrales auxquelles ils assistent aujourd’hui ?
Une ville américaine Kansas city a suivi le trajet que Québec entend suivre. Elle a construit son amphithéâtre de rêve mais n’a pas obtenu l’équipe professionnelle qu’elle espérait. Depuis, c’est un éléphant blanc.
Le cirque médiatique d’aujourd’hui n’est pas à l’honneur de ceux qui l’ont organisé, d’autant plus que suite à l’annonce du projet, les journalistes qui posaient des questions pointues ont été vitement rabroués par le maire, comme s’ils étaient de purs ignorants. Ce dernier s’est même moqué du gouvernement fédéral qui exigeait, comme il se doit, une étude technique et économique sur l’ensemble du projet avant de décider s’il devait y contribuer. L’arrogance du maire est inacceptable. Elle démontre que le projet est bâclé et qu’il y a dans tout cela un manque d’éthique et de morale.
Claude Dupras