Amis Biologistes, rebonsoir.
Comme j'ai eu souvent l'occasion de l'écrire, nous avons la chance de vivre dans une démocratie où les travaux des parlementaires (représentants du peuple) sont transparents et accessibles. Je remercie au passage l'excellent travail réalisé par les petites mains de l'Assemblée qui se chargent de collecter, retranscrire et diffuser les débats.Toujours pour alimenter votre réflexion personnelle et dans le cas où vous n'arrivez pas à trouver le sommeil, je vous livre ci-dessous l'intégralité des débats qui ont conduit à l'adoption de l'amendement 17. Dans un élan d'humour au 36ème degré (ou plutôt un moment d'égarement), je le ré-intitule "amendement Nobel" car vous n'êtes pas sans savoir que l'illustre éponyme a non seulement soutenu les plus brillants chercheurs mais a aussi découvert la nitroglycérine.
Bonne lecture.GdM
PS : le texte est disponible sur le site de l'Assemblée nationale
M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour soutenir l’amendement n° 17.
M. Olivier Jardé. L’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, telle qu’elle est rédigée, interdit l’exercice de la biologie médicale à des chercheurs non diplômés en biologie médicale, notamment dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.L’ordonnance pose de multiples problèmes, que nous avons déjà évoqués dans cet hémicycle. Elle interdit aux infirmières d’effectuer des prélèvements dans leur cabinet. Elle crée des difficultés aux laboratoires d’analyses médicales privés, mais également à ceux des hôpitaux, qui ne peuvent obtenir l’accréditation.Récemment, le concours d’agrégation a été bloqué du fait de l’impossibilité d’inscrire des candidats devant le Conseil national des universités.Pour toutes ces raisons, je vous propose d’abroger cette ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.
M. Jean-Sébastien Vialatte. Aujourd’hui, au sein des laboratoires de biologie médicale des CHU, un certain nombre de chefs de service ne peuvent plus diriger leur service – c’est d’ailleurs également le cas en génétique, en hématologie ou en bactériologie –, parce qu’ils n’ont pas le diplôme qui est devenu obligatoire. On a créé un véritable problème à l’hôpital public, qui se pose aussi, d’ailleurs, dans les laboratoires privés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Leonetti, rapporteur. Elle a émis un avis favorable. Je note cependant que cette ordonnance procède à de multiples modifications du code de la santé. J’attends donc l’avis du Gouvernement, qui a entièrement rédigé l’ordonnance son abrogation intégrale aurait sans doute des effets secondaires allant au-delà de l’objectif des auteurs de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.Initialement, j’étais tenté d’émettre un avis défavorable et de vous dire que cette ordonnance serait revue à l’occasion de la proposition de loi Fourcade. Mais celle-ci n’a pas vocation à être un fourre-tout. Je ne peux donc pas vous garantir que la question sera examinée dans ce cadre.Nous serons donc amenés à retravailler nous-mêmes ce qui relève du pouvoir réglementaire, donc de l’ordonnance, dans un climat de totale concertation – je ne dis pas « codécision », car nous ne serons peut-être pas d’accord avec tout le monde. Il y a certainement des sujets qui, comme celui-ci, sont à revoir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.
M. Jean-Louis Touraine. Je suis favorable à l’amendement, que j’avais même proposé de cosigner. En commission, monsieur le ministre, vous nous disiez exactement ceci : « Je suis prêt à examiner la situation et à revenir, au besoin, sur l’ordonnance. Si vous faisiez des propositions à cet égard, ma tâche serait facilitée. » Nous avons à cœur, monsieur le ministre, de vous faciliter la tâche et d’abroger, pour ce faire, l’ordonnance. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
M. Jean-Yves Le Déaut. Je suis également prêt à m’associer à cet amendement, dont nous avons été saisis très tardivement lorsqu’il a été présenté dans le cadre de la loi HPST, dans laquelle il faisait un peu figure de cavalier.Si l’on veut que l’organisation de la recherche, des soins et de la thérapeutique dans les facultés de médecine se fasse de manière pluridisciplinaire, il ne faut surtout pas maintenir cette ordonnance.J’ai moi-même été, au cours de ma carrière, après mon doctorat ès sciences, assistant de faculté et assistant des hôpitaux. J’ai donc participé à des activités de biologie médicale. C’était possible, comme c’est possible au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays développés. Depuis cette ordonnance, il n’est plus possible à des scientifiques, à des pharmaciens, de travailler en coopération au sein d’équipes pluridisciplinaires dans des laboratoires de biologie médicale. Je suis donc totalement favorable à la suppression de cette disposition de l’ordonnance, dont les rédacteurs n’avaient sans doute pas perçu toutes les conséquences.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.Mme Catherine Génisson. Je m’avoue perplexe.
M. Xavier Bertrand, ministre. L’hôpital d’Arras va fermer ! (Sourires.)
Mme Catherine Génisson. Non, il n’est pas question d’Arras, je n’en ferai pas une affaire personnelle, comme M. Le Déaut.Il me semble que ces personnes que l’on évoque conservent la possibilité de participer aux recherches. Ce qu’elles ne peuvent plus être, c’est professeur titulaire de chaire. Mais n’est-il pas logique que, pour être professeur titulaire de chaire au titre d’une spécialité x ou y, il faille avoir des compétences dans ces spécialités ?Peut-être comprends-je mal l’enjeu, mais je suis un peu dubitative. J’ai été interpellée, inversement, par des personnalités ayant les diplômes ad hoc à qui l’on a refusé une chaire parce que d’autres personnalités, sans doute très compétentes et plus en vue, mais qui n’avaient pas le diplôme, occupaient la chaire, interdisant ainsi à des jeunes ayant la spécialité en question d’y accéder.J’avoue donc ma perplexité par rapport aux arguments développés par les uns et les autres, à moins qu’il y ait un aspect qui m’échappe.
M. le président. La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte.
M. Jean-Sébastien Vialatte. Nous ne sommes pas dans le cadre de la recherche, mais dans celui du diagnostic. Il s’agit de faire des diagnostics génétiques.Le texte comportait initialement le terme « laboratoire de génétique », ce qui ne faisait pas problème. Maintenant, il comporte le terme : « laboratoire de biologie médicale », ce qui fait problème puisque les directeurs de laboratoires de génétique ne sont pas des biologistes médicaux. Il s’ensuit qu’un certain nombre de services hospitaliers vont se trouver dépourvus de chefs de service ayant les bons diplômes.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.
M. Olivier Jardé. Je répondrai à Catherine Génisson que le Conseil national des universités compte 43 sections ; toutes les spécialités médicales n’y sont donc pas représentées. La biologie, par exemple, n’y existe pas. Un agrégé, qui va passer le concours, peut avoir de multiples antécédents et faire de la biologie médicale : il peut être toxicologue, ou généticien, et pas forcément biologiste. Ces personnes-là ne pourront plus passer le concours. Là est le problème, que vous confirmera Jean-Louis Touraine.Il y a aussi la question des infirmières. Avec cette ordonnance, une infirmière n’a même plus le droit de procéder à des prélèvements dans son propre cabinet. Il faut qu’elle aille dans un cabinet de biologie médicale. C’est la même chose, comme vient de le dire Jean-Sébastien Vialatte, pour les laboratoires de génétique. Le système est devenu excessivement restrictif.
M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.
M. Guy Lefrand. Je voudrais revenir sur ce que vient de dire Olivier Jardé. Nous avons été interpellés par les infirmières libérales qui vont se trouver empêchées, alors même que nous essayons de favoriser le maillage du territoire par les professionnels de santé libéraux, de faire de prélèvements, à moins de se déplacer à domicile, avec le coût que cela suppose et le temps que cela prend, ou d’aller les faire dans un laboratoire de biologie médicale.Je crois donc qu’il faut vraiment retravailler cette ordonnance, car nous faisons face à des situations aberrantes dans certains territoires en difficulté.M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Je ne souhaite pas allonger inutilement les débats, mais pourquoi ne pas revenir à la dénomination « laboratoire de génétique », ce qui résoudrait tous les problèmes ? J’ai un peu l’impression qu’il s’agit de protéger des prés carrés…
M. Jean-Yves Le Déaut. C’est le contraire !
(L’amendement n° 17 est adopté.)