Ah, le 11 février ! Voilà une date qui a scandé mon enfance. Il y avait en effet dans le calendrier annuel le "onze février" et le "vingt mai". Ces deux rendez-vous étaient avant tout synonymes de défilé. Tous les écoliers que nous étions alors, habillés tous ensemble de l'uniforme réglementaire, nous partions en procession au centre-ville, et nous allions passer au pas militaire devant la tribune officielle, aussi fiers que si le Président de la République lui-même y fût installé.
C'est très simple : c'est lorsque des envies de "dribbler" le défilé du onze février me sont venues que j'ai compris que je sortais du monde magique de l'enfance pour entrer dans la période stupide de l'adolescence.
Cette fête était la nôtre, et nous faisions en sorte qu'elle le fût pleinement. Depuis la petite ville poussiéreuse de province où j'ai grandi, nous ne savions évidemment pas quels grands événements sportifs étaient organisés à Yaoundé et à Douala, mais nous avions nos rencontres magiques à nous.
La finale du tournoi scolaire de football se jouait le 11 février. Chez nous à Nanga-Eboko (blessed city), elle opposait invariablement l'Ecole du Centre (la mienne, bien sûr) à l'une des équipes de l'Ecole du Plateau (très souvent Plateau A). De temps en temps, des outsiders sortaient on ne sait d'où pour venir troubler les débats : un coup l'Ecole de la Gare, un coup l'Ecole Catholique de Nguinda, très rarement l'Ecole Adventiste. Faut-il préciser que c'est nous qui gagnions souvent ? Et ensuite nous envahissions tout simplement la ville avec nos cortèges joyeux, fêtant notre victoire au son d'une trompette trouvée on ne sait où. C'était le bon temps...
C'était le temps où les Jeux OSSUC avaient lieu chaque année, et, à la gare, nous voyions passer les jeunes athlètes descendant du Nord et de l'Adamaoua par trains spéciaux.
C'était le temps où la Coupe Top, organisée par les Brasseries du Cameroun, révélait chaque année un talent de dimension nationale, voire plus.
C'était le temps où la finale de football était précédée de celles de tous les autres sports, auxquelles le Préfet se faisait une obligation d'assister. Et les rencontres entre collèges et lycées de la ville que j'ai connues plus tard n'étaient pas en reste en matière de ferveur et de talent pur.
Nous n'avions ni ordinateurs, ni internet. Nous n'avions même pas de télé. Mais nous étions doués, ô combien. L'organisation scolaire et sportive était pensée et construite dans l'optique d'amener au sommet les meilleurs footballeurs chez les garçons, et les meilleures handballeuses chez les filles (on s'était distribués les sports par sexe, je ne sais trop comment).
Si le Cameroun a pu asseoir sa suprématie sur le football africain, dès les années 70 pour les clubs (l'Oryx, le Canon, le TKC, l'Union...) et à partir des années 80 pour l'équipe nationale, tout est parti de cette organisation à la base. Nul besoin d'académies et autres centres de formations huppés, des générations de footballeurs de génies sont sorties tout entières de ces terrains poussiéreux, de ces compétitions scolaires.
Le 11 février était notre fête, c'était notre jour de gloire à nous, la jeunesse camerounaise.
Je ne peux qu'espérer que les élèves et étudiants actuels vibrent de la même passion pour le sport et pour notre pays. Les enjeux sont cruciaux, certaines échéances sont plus proches que nous ne le pensons, et cette génération va devoir mûrir plus vite que ses aînées.
Bonne fête de la jeunesse à tous !