Née Esther Lachman à Moscou, en 1819, la Païva fut l'une des plus célèbres demi-mondaines du Second Empire. Oubliant très vite un mari et un jeune fils en Russie, elle s’installe à Paris où elle commence une modeste carrière de prostituée dans le quartier des Lorettes sous le nom de Thérèse. Le pianiste Henri Hertz la présente à Théophile Gautier, Franz Liszt, Richard Wargner, et Thérèse adopte en changeant de société le prénom de Blanche. Abandonnant Hertz avec une petite fille et une jolie collection de dettes, elle multiplie les conquêtes masculines et devient l’une des femmes les plus élégantes et les plus courtisées de la capitale.
Monticelli - Une soirée chez la Païva
Son mariage avec un noble portugais la transforme en marquise de Païva, nom qu’elle conservera après le suicide de son époux : « il sonne bien ». Elle épouse enfin le comte Guido Henckel von Donnersmarck, un richissime cousin de Bismarck, qui lui offre le château de Pontchartrain et lui fait construire un magnifique hôtel particulier avenue des Champs Elysées.
L’architecte Pierre Manguin va donner à la Païva un hôtel à la démesure de son ambition, dans le style éclectique en vogue sous Napoléon III. Dans les décors sculptés néo-Renaissance sont insérées des peintures de Baudry et Gérôme, des sculptures de Dalou, Barrias et Carrier-Belleuse.
Un monumental escalier d’onyx mène au premier étage, qui fera écrire à Emile Augier : « Ainsi que la vertu, le vice a ses degrés » ! Les boiseries incrustées d’or et de lapis-lazuli, les plafonds à caisson, les sculptures inspirées de l’Ecole de Fontainebleau, accueillent la meilleure société de l’époque. Dans la salle de bains mauresque, une baignoire en onyx et bronze argenté à trois robinets permettait de déverser de l’eau parfumée aux essences de fleurs…
Après un premier exil pendant la guerre de 1870 – la famille du Comte est liée aux prussiens – la Païva quitte définitivement Paris en 1882, vaguement soupçonnée d’espionnage. Elle s’éteint deux ans plus tard dans le château de Neudeck, en haute Silésie, à l’âge de 65 ans.
Revendu plusieurs fois, l’hôtel particulier doit sa sauvegarde à la création d’un restaurant en 1895. Finalement acquis par le Travellers Club, réservé aux membres masculins, qui poursuit sa restauration , il se visite uniquement le week end avec des conférenciers privés.
Un bar restaurant occupe toujours le rez-de-chaussée, richement redécoré par Jacques Garcia dans le plus pur style bonbonnière Napoléon III. L’abondance de dorures, pampilles et capitons peut faire oublier aux amateurs le prix de l’expresso, mais le menu ne mérite pas de sortir votre carte Gold…