Après les déclarations du chef de
l’Etat les mettant en cause dans l’affaire « Laëtitia », le mouvement de contestation des magistrats s’est généralisé un peu partout en France lundi. Pendant ce temps, le Premier ministre appelle
ces derniers à la « responsabilité ».
En s’exprimant jeudi dernier sur le meurtre de la jeune Laëtitia, Nicolas Sarkozy a-t-il prononcé la phrase de trop ? Pointant du doigt les « dysfonctionnements graves » des services de police et
de la justice et promettant des sanctions, le chef de l’Etat a suscité l’indignation des magistrats. Un mécontentement tel qu’un mouvement de protestation générale appelé de leurs vœux par les
magistrats nantais a gagné le pays lundi et qu’une mobilisation nationale est prévue jeudi. « Une réaction excessive », a estimé le Premier ministre François Fillon lundi lors d’une conférence de
presse.
Mais les tensions existant entre le chef de l’Etat et les magistrats ne datent pas d’hier, le juge antiterroriste Marc Trévidic allant jusqu’à qualifier Nicolas Sarkozy de « multirécidiviste » dans ses attaques à l’encontre des magistrats. Des magistrats qui dénoncent tous « un manque de moyens » dans l’accomplissement de leurs missions.
« Nicolas Sarkozy a eu tort »
« Que le chef de l’Etat soit retourné, ému et révulsé ça se comprend. Après, il veut trouver des responsabilités et c’est là que le bât blesse », estime pour sa part le sénateur socialiste
Jean-Pierre Michel. « Les magistrats, les contrôleurs judiciaires, tout cela est en sous-nombre. C’est pareil en psychiatrie. Les médecins hésitent à faire sortir des gens car ils savent bien
qu’ils ne seront pas suivis comme ils doivent l’être », poursuit ce magistrat de profession, qui estime que « le manque de moyens ne peut pas tout expliquer » mais qu’« il est flagrant ».
« C’est depuis que la droite est au pouvoir que les budgets du ministère de la Justice ont été augmentés de façon importante chaque année », conteste le sénateur UMP Laurent Béteille. Pour cet
avocat fils et petit-fils de magistrat, « les magistrats doivent admettre qu’ils puissent être critiqués ». « Avant même l’enquête administrative, il parle de faute et de sanction. Nicolas
Sarkozy a eu tort », conteste Jean-Pierre Michel. « On ne peut pas démocratiquement avoir un pays où l’institution judiciaire est en opposition constante avec l’exécutif », déplore le sénateur de
la Haute-Saône. Un avis partagé par le centriste François Zocchetto. « Je pense que l’autorité judiciaire est un des éléments essentiels de nos institutions et il n’est pas possible d’entrer dans
des conflits institutionnels », analyse le sénateur de la Mayenne. Ce dernier « observe qu’il n’y a pas de dialogue en ce moment entre l’autorité judiciaire et le pouvoir politique ».
« Le président prend ces questions là très à cœur »
Ce constat, le député UMP Jean-Paul Garraud le reconnaît et le regrette. Mais pour celui qui devrait être nommé mardi secrétaire national de l’UMP à la Justice, s’« il y a une incompréhension
depuis des années », c’est davantage la conséquence d’une « méconnaissance réciproque des impératifs de chacun des deux mondes ». Visiblement gêné par les propos tenus par le chef de l’Etat,
Jean-Paul Garraud a toutefois une explication. « Le président prend ces questions là de récidive et de criminels sexuels très à cœur. Ce n’est pas du cinéma. Il est totalement impliqué. Ceci peut
expliquer cela », avance le député de Haute-Garonne. « J’ai l’impression que le président ne l’a pas fait en des termes excessifs », ajoute Laurent Béteille.
L’excessivité se trouverait-elle donc du côté des magistrats ? C’est ce que pense le Premier ministre. « Je crains qu’elle ne puisse être compris des Français », a-t-il prévenu, admettant
cependant que « la question des moyens de la justice est posée ». Souhaitant « améliorer l’organisation et les méthodes de travail » des magistrats, François Fillon a « demandé que les ministres
en charge y travaillent et lui proposent rapidement des recommandations ».
Source : Public Sénat