S'il est incontestable de dire que la Motown fut une machinerie
d'orfèvrerie capable de produire toute une flopée de groupes et d'artistes qui marqueront l'histoire de la musique en général, il est également vrai que beaucoup d'entre eux ne sémanciperont pas
autant que lorsqu'ils cesseront de travailler pour cette maison souvent considérée comme "castratrice" par ses membres que la firme payait au lance pierre, s'assurant comme souvent la grande
majorité des recettes d'albums pour ne laisser que le minimum syndical à ses artistes. Le constat pourrait être identique musicalement parlant. L'uniformisation du son Motown se fait très vite
sentir et les recettes du succès seront reprises et récupérées pour le reste de leur catalogue. Populaire et typique, voilà les mots qui caractérisent le mieux cet état de fait pour parler de la
Tamla, empire en perpétuel concurrence envers d'autre poids lourds du mileu, Stax en tête.
Ce disque des Temptations ne s'inscrit pas vraiment dans cette tradition artistique. L'époque de "My Girl" et autre "You're My Everything" est révolu et le groupe entame un tournant dans la suite
de sa carrière (j'aurai tendance à dire qu'on passe enfin aux choses sérieuses). Le titre évocateur de cet album en dit d'ailleurs suffisamment sur leurs nouvelles intentions. "Psychédélique
Shack" sera différent du reste de leurs productions, annonçant un retour en force du groupe de Detroit sur la scène internationale. Finies les ballades amoureuses bien connues, les traditionnels
claps accompagnant les rythmiques, les tambourins récurents soulignant les attaques de batterie (leurs utilisations ont été complètement revues), les arrangements de violons immédiatement
identifiables ou les sempiternels choeurs harmoniques que l'on retrouvait sur la majorité des productions d'alors (pour être tout à fait franc il en reste encore quelques légères bribes sur
certains titres, comme sur "It's Summer", mauvais mais heureusement très court, ou la résurgence d'un passé pas tout à fait oublié). Place à présent au groove pur et dur directement inspiré par
la musique funk très en vogue en 1970 (Sly Stone ou
Funkadelic en sont un parfait exemple). L'arrivée de Dennis
Edwards en remplacement de Davis Ruffin comme chanteur principal sera pour beaucoup dans cette petite révolution artistique entreprise par leur producteur d'alors, Norman Whitfield. Il compte
bien changé l'image et le son du groupe pour en faire quelque chose de plus attrayant pour la jeunesse de l'époque (en 1 mot plus moderne). La section rythmique des Funk Brothers ne bougera pas,
mais tous, chanteurs comme musiciens, sauront s'adapter à ses nouvelles exigences (de nouvelles ambitions en somme).
Et l'on peut dire que le pari s'est avéré judicieux, comme l'atteste le titre phare de l'album, "Psychedelic Shack", qui ouvre les hostilités avec une force et une vitalité qu'on ne leur
connaissait pas jusqu'ici. Ou bien le très connu "War" au refrain nerveux, sorte de gimmick minimaliste bouclé et séquencé avec talent. Les guitares suintent le funk, les rythmiques sont plus
présentes et plus appuyées, les bpm plus poussés, les cuivres parlent plus fort, et puis le mix, à présent bien plus travaillé, grâce notamment à l'utilisation plus approfondie du système
stéréo (on prend les mêmes et on recommence, en mieux).
Pour finir, je conseille fortement à tous ceux qui pensaient qu'il n'existait qu'une seule mouture des Temptations de s'attader sur leur passé 70'. Un régal jouissif à mettre entre toutes les
mains sans tarder. Pour l'heure régalez vous donc avec les 3 morceaux que je laisse à votre disposition plus haut.