Promesses non tenues...
Ce jeudi, Sarkozy réitère donc son exercice de téléréalité compassionnelle devant un panel de Français sélectionnés. Ils seraient 8 ou 9. Par précaution, aucun de ces témoins ordinaires n'avait participé l'émission de l'an dernier. Le 25 janvier 2010, Sarkozy s'était excusé de ne faire que son devoir. Il se rôdait. « Je vous demande de considérer que mon travail n'est pas très facile ». Ce discours a depuis été servi à de multiples reprises, jusqu'à la récente tournée des voeux. Il nous avait expliqué ses devoirs : « Le choix de l'assistanat, on l'a fait, il a conduit à l'échec ». Les 25% de Français qui gagnent moins de 750 euros par mois avaient apprécié. Il a d'ailleurs limité la revalorisation des minima sociaux à la stricte inflation au 1er janvier, jusqu'à adouber, vendredi dernier, la proposition d'Angela Merkel de supprimer l'indexation salariale (et donc du SMIC) sur l'inflation !
Il promis aussi un peu, mais aucune de ses rares promesses ne furent tenues.
N'avait-il pas dit que « dans les semaines et les mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays » » ? Le chômage n'a pas baissé, bien au contraire. Le rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée entre salariés, entreprises et actionnaires (« Si les partenaires sociaux n'avancent pas, je serai obligé, contraint, d'avancer par la loi. »), son grand dada, reste une arlésienne. Les prix du lait sont remontés, des contrats ont été imposés à la grande distribution à compter du 1er avril 2011, mais sans prix plancher supérieur au coût de production. Or les matières premières (énergie, alimentation) ont flambé. Sur l'Education, comme dans la fonction publique en général, les agents contractuels se sont vus proposer, en décembre dernier, un passage en CDI. Mais la tartufferie est énorme. Non seulement le nombre de contractuels a progressé de 100.000 depuis que Sarkozy est président (pour frôler les 900.000 !), mais en plus le gouvernement posa comme préalable à la contractualisation des précaires de la fonction publique ... 6 années de CDD !
La réhabilitation des quartiers n'est restée qu'un vain mot. L'inefficace Fadela Amara a été débarquée du gouvernement en novembre, placardisée à l'IGAS, et Fillon a annoncé l'été dernier que son gouvernement n'avait les moyens d'un Plan Marshall tant promis. La taxe sur les bonus des traders a certes été votée, mais elle reste modeste (moins de 400 millions d'euros), et exceptionnellement limitée à l'année dernière. La taxe carbone a été renvoyée aux oubliettes. Nicolas Sarkozy ne peut même pas se satisfaire de sa cote de popularité vis-à-vis de l'électorat plus âgé. La réforme des retraites (jusqu'en octobre dernier), et les multiples communications sur la dépendance (depuis novembre) n'ont rien amélioré.
Le nombre d'agressions physiques progresse. La flambée de violences dans la banlieue de Grenoble en juillet dernier fut l'exemple de trop de l'échec de 8 années sécuritaires version Sarkozy. De la justice, il n'avait été peu question en janvier 2010. Cette fois-ci, on espère que le sujet sera au moins traité. Sarkozy a tenté d'instrumentaliser jusqu'à la nausée l'affaire Laëtitia. Et la dite affaire lui est revenu comme un boomerang en pleine figure. En accusant la magistrature et les forces de l'ordre de négligences et en les menaçant de sanctions, il a consolidé contre lui une mobilisation hors normes. Mercredi, la totalité des audiences en France étaient suspendues par un mouvement de grève inédit sous la Vème République. Les magistrats ne protestent pas contre le principe de sanctions en cas de faute, mais contre les accusations sarkozyennes prématurées avant même le rendu des conclusions de l'enquête. Des syndicats de policiers se sont joints au mouvement. Et un récent sondage affiche un soutien tout aussi inédit en faveur des protestataires. Sarkozy espérait rendre impopulaire les magistrats pour mieux masquer sa propre faillite en la matière. Les éléments de langage étaient tous trouvés : on a augmenté de 40% le budget de la Justice en 9 ans (ce qui est moins que les +30% réalisés en 5 ans sous le gouvernement Jospin) ; c'est donc la faute à ces irresponsables de juges (indépendants ) si la justice ne fonctionne pas bien... Quel argumentaire !
... conflits d'intérêt maintenus
Mercredi 9 février, chacun pouvait lire le Canard Enchaîné et ses révélations sur les agapes de la famille Fillon aux frais du gouvernement égyptien en décembre dernier. Le weekend dernier, Sarkozy lui-même s'était servi d'un Falcon présidentiel pour un aller-et-retour à New-York, sans parler des déplacements tunisiens de Michèle Alliot-Marie.
Mercredi matin, on pouvait également s'attarder sur une incroyable communication présidentielle, à l'issue du conseil des ministres : « Cette communication sur la prévention des conflits d'intérêts est très importante. Nous devons impérativement favoriser la diffusion d'une véritable culture de la déontologie dans la vie publique française.» Avez-vous noté ? Cette communication est « très importante », prend-t-on soin de nous préciser, au cas où le message ne passerait pas... Sarkozy, l'homme du Fouquet's et des vacances en jet et yacht de Bolloré, poursuit, sans gêne : « Ce n'est, en effet, qu'en étant irréprochables que les personnes qui exercent de hautes responsabilités renforceront la confiance des citoyens dans les institutions de l'Etat. Cette confiance est indispensable, parce qu'elle est au fondement même de notre contrat social.»
Il avoue sa négligence : « Les exigences contemporaines en matière de morale publique se sont considérablement renforcées ces dernières années. Il convient de le comprendre et d'en tirer les conséquences. Les attentes des citoyens sont plus vives que par le passé et elles sont légitimes. Il est de notre devoir de ne pas les décevoir.» Oups ! Les Français sont plus exigeants en matière éthique et je ne l'avais pas remarqué ! La crise demande des efforts, on parle de rigueur depuis bientôt 3 ans, et ça choque qu'on se dore la pilule dans des potentats locaux payés par les dictateurs du coin. Incroyable ! Ils sont choqués, les pauvres !
« Ce qui était commun il y a encore quelques années peut choquer aujourd'hui. Cela doit donc être strictement encadré. »
Le président français instaure donc une nouvelle règle, qui sonne comme un nouveau désaveu pour ses propres collaborateurs. En juillet dernier, il avait été contraint au même exercice de contrition/sanction médiatique après les affaires Joyandet/Blanc : « Pour leurs vacances, désormais, les membres du Gouvernement devront privilégier la France. Les invitations à l'étranger seront autorisées par le Premier ministre, en accord avec la cellule diplomatique de la Présidence de la République, pour examiner leur compatibilité avec la politique étrangère de la France. Leurs modalités seront examinées par le Secrétariat Général du Gouvernement, qui les autorisera ou les interdira.» Michèle Alliot-Marie restera donc bien en Dordogne pour ses prochains congés... L'homme qui enjoint ses ministres de rester en France était à Marrakech à Noël, et à New-York le weekend dernier, pour un voyage aux frais du contribuable.
Dans la foulée, François Fillon a promis une loi sur les conflits d'intérêts « dans les prochains mois.» On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Ami sarkozyste, regarde bien TF1 ce soir !