Steve Kuhn Trio. Mostly Trane.
Paris. Le Duc des Lombards.
Mardi 8 février 2011. 22h.
Steve Kuhn : piano
Dean Johnson : contrebasse
Joey Baron: batterie
La photographie de Joey Baron est l'oeuvre du Percutant Juan Carlos HERNANDEZ.
Ca attaque hard bop. Ca sonne comme en 1959. Belle contrebasse rouge. Beau son d’ensemble. C’est à la fois très agréable et un peu vain. En même temps, Steve Kuhn jouait en 1959 avec Scott Lafaro, John Coltrane. Il a le droit de refuser de vieillir. Beau vibrato de la contrebasse en solo. Breaks de batterie très secs, très brefs. Joey Baron c’est bon mais c’est la classe en dessous de Tom Raney à mon goût. C’est tout de même très bien construit avec des plages qui se succèdent, un mouvement tourbillonnant. C’était « Super Jet » de Tadd Dameron.
Maurice Ravel « Pavane pour une infante défunte ». Voilà un titre difficile à dire pour un anglophone. Steve Kuhn m’apprend que ce morceau a été transformé aux Etats-Unis d’Amérique en une chanson dont je n’ai pas capté le titre. Le batteur est aux balais. C’est une ballade qui swingue élégamment. Par contre, ça perd en mélancolie, en nostalgie par rapport à l’original. « J’en perçois fort bien les défauts : l’influence de Chabrier, trop flagrante, et la forme assez pauvre. L’interprétation remarquable de cette œuvre incomplète et sans audace a contribué beaucoup, je pense, à son succès.» (Maurice Ravel à propos de sa Pavane). En l’espèce, l’interprétation est fort agréable mais ne me touche pas.
« Jitterbug waltz » de Fats Waller, un des héros de l’enfance de Steve Kuhn. Intro au piano, bluesy, ralentie par rapport à l’original. Le trio part, sautille, se dandine. C’est très agréable mais il me manque toujours un petit quelque chose, un petit supplément d’âme. Cette musique glisse sur moi sans y entrer. Joli scintillement du piano en dialogue avec une cymbale malaxée aux balais.
« Slow hot wind » (Henry Mancini). Pour l’instant je ne vois pas le rapport avec John Coltrane dans le programme. Démarrage contrebasse/batterie dans l’esprit de la Panthère rose, le plus célèbre thème d’Henry Mancini. Ca évoque bien le vent chaud et lent d’une journée d’août . Ca déroule toujours très bien comme un beau tapis. A côté de moi se trouve un jeune homme enthousiaste. Il est le seul à applaudir pendant les morceaux alors que tout le monde écoute. Il se calme vite pour écouter lui aussi. Joli final en distillant dans l’aigu du piano. Contrebasse et batterie concluent.
« Adagio » (Steve Kuhn). Morceau écrit pour orchestre à cordes et chanteur. Version instrumentale en trio. Le batteur est aux balais. Toujours pas de John Coltrane à l’horizon. JC ne nous est pas encore apparu. La musique devient plus émouvante. Ils entrent dedans au lieu de la surplomber. C’est une ballade mélancolique. Il est aisé d’imaginer une chanson dessus. Justement Steve Kuhn en a écrit une. Un silence s’impose avant les applaudissements.
« Airegin » (Sonny Rollins). Non seulement ils ne jouent pas de John Coltrane mais ils jouent du Sonny Rollins, son rival et ami. Intro en piano solo. C’est bien du hard bop. Joey Baron hache vite et fin le tempo aux baguettes sur une cymbale. Solo de batterie où les tambours sonnent à l’africaine. Logique pour un morceau dont le titre est l’anagramme de Nigeria. Joey Baron se lance, propose beaucoup de choses, virevolte sur les tambours, claque les cymbales, accélère, ralentit.
Rappel : « The zoo » (Steve Kuhn). Mon jeune voisin est décidément un fan. Il chantonne l’air. Toujours pas de Coltrane. Ca sonne délicatement, ça balance légèrement. Steve Kuhn chante tenant le micro de la main droite, jouant de la main droite. Quelques secondes de « A love supreme » jouées et chantées par Steve Kuhn. Pour un programme intitulé Mostly Trane, j’hésite entre deux qualifications juridiques : publicité mensongère ou tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ?
Peut-être les deux finalement car il n’y avait ni l’âme ni la flamme de John Coltrane dans ce concert fort agréable mais pas mémorable.