Cette vertigineuse mystification du « Truman show » m’a touché d’autant plus qu’elle renvoie à la fable que j’avais en 2003 imaginée pour mes lycéens adeptes du « Loft Story » et leurs « lofters ». J’avais écrit cette fable parodique intitulée « Loft History 2084 » (Aléas éditeur, 2003) dans laquelle un inquiétant manipulateur embauchait des jeunes comédiens idéalistes, cultivés et littéraires pour les attirer dans un « Loft » destiné à anéantir, sous l’œil de la caméra, leur personnalité, leur culture, leur sensibilité, leur raffinement... L’objectif final était d’ériger ces « cobayes » en modèles policés, parangons d’une nouvelle humanité « déshydratée »...
Une fois dans le loft, ces « lofters » d’un genre nouveau, devaient progressivement consentir à l’abêtissement, à l’appauvrissement du langage, au partage sans concession de l’antenne avec des spots ridicules du style :
« Découvrez toutes les finesses de la langue mondiale en quinze clichés grâce à la bonne vieille méthode Amnésique ! Méthode Amnésique, pour parler avec son temps ! »
Ou encore :
« L’ami Jouvence au petit déjeuner ! Le soleil vient de se lever, encore une belle journée, souriez vous êtes filmés ! »
Avec beaucoup de cynisme et un soupçon de corruption, (on ne s’engage pas sans risque dans une telle aventure dont la clé est le vedéttariat...) l’un des personnages (essentiellement féminins de la pièce), avait expliqué par quels « tripotages » elle avait décroché la sélection si convoitée dans le loft : « visage lisse, visage lisse, qu’ils disaient toujours !... A la fin j’avais montré mes fesses et j’avais décroché le concours ! »