Le Parlement vient d’adopter définitivement *1 le projet de loi LOPPSI, dont l’article 4 met en place la censure administrative d’Internet via le cheval de Troie de la protection de l’enfance. Un tel dispositif extra-judiciaire permettra à terme de généraliser la censure des contenus sur Internet. Dans la droite ligne des projets de Nicolas Sarkozy pour un « Internet civilisé », la censure administrative expose à de dangereuses dérives tout en laissant prospérer les pédophiles et la pédopornographie.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont définitivement adopté le projet de loi ultra-sécuritaire LOPPSI, et notamment son article 4 qui met en œuvre le filtrage administratif du Net au prétexte de lutte contre la pédopornographie en ligne. Pourtant, le blocage de sites n’empêchera en rien les criminels qui se livrent à la production et à la distribution de ces contenus de prospérer. *2
Il s’agit en réalité d’un faux prétexte visant à légitimer le filtrage administratif d’Internet, et à déployer une infrastructure technique de censure.
Nul ne pourra contrôler la façon dont ces mesures de filtrage seront mises en place, pas même un juge, et il n’y aura aucun moyen de s’y opposer puisque les sites bloqués seront consignés dans une liste noire secrète.
Les événements tunisiens et égyptiens ont montré le rôle essentiel de la liberté d’expression sur Internet pour la démocratie. Ils ont également démontré l’inefficacité du filtrage ciblé aussi bien en Tunisie qu’en Égypte. Dans ce dernier pays, constatant l’échec du filtrage, le régime a procédé à une coupure totale d’Internet, à laquelle il a dû renoncer lui-même au bout de quelques jours. La Quadrature du Net exprime son indignation de voir le gouvernement et le Parlement, s’engager — pour d’autres motifs — dans ces trajectoires absurdes et dangereuses.
« L’article 4 de la LOPPSI constitue une violation totalement disproportionnée de la liberté d’expression et de communication, notamment dans le cas d’inévitables censures collatérales, et semble de ce fait inconstitutionnel. *3
Il faut espérer que le Conseil constitutionnel s’opposera à ce dispositif extra-judiciaire de censure de l’information en ligne. », indique Félix Tréguer, chargé des affaires institutionnelles et juridiques à La Quadrature du Net.
« Le contrôle du Net est à l’ordre du jour du G8 et du G20 présidés par Nicolas Sarkozy, au travers de la notion d’un “Internet civilisé”. Dans ce contexte, il est extrêmement inquiétant de voir le Parlement imposer le filtrage administratif d’Internet. Au même titre que l’HADOPI instrumentalise les artistes et élude la question du financement de la création à l’ère numérique, le blocage de l’accès aux sites ne règle absolument rien au problème de la pédopornographie.
Le cheval de Troie de la protection de l’enfance ouvre la porte, par ce vote, à la censure généralisée du Net. *4
Les citoyens épris d’Internet et de libertés doivent agir et dénoncer cette instrumentalisation », conclut Jérémie Zimmermann, co-fondateur de La Quadrature du Net.
Notes :
*1 Le texte issu de la Commission mixte paritaire a été adopté par l’Assemblée nationale cet après-midi. Au Sénat, le vote aura lieu dans la soirée.
*2 Plutôt que d’instrumentaliser la protection de l’enfance pour faire accepter le filtrage, le gouvernement aurait pu faire le choix de renforcer ses efforts pour obtenir le retrait des contenus incriminés des serveurs qui les hébergent. Il aurait également pu tenter d’améliorer la coopération internationale dans ce domaine. Ces modes d’action sont d’ailleurs recommandés par l’association d’information et de prévention sur la pédophilie, l’Ange Bleu qui s’oppose à l’article 4..
« LOPPSI : la protection de l’enfance, cheval de Troie du filtrage généralisé d’Internet ? »
*3 Voir la note de La Quadrature du Net
« Le filtrage d’Internet viole l’État de droit »
*4 Le président Sarkozy a déja promis le filtrage aux industries du divertissement : « Plus on pourra dépolluer automatiquement les réseaux et les serveurs de toutes les sources de piratage, moins il sera nécessaire de recourir à des mesures pesant sur les internautes. […] Il faut donc expérimenter sans délai les dispositifs de filtrage. » – Vœux au monde de la culture du Président de la République, 7 janvier 2010..
Éric Besson a également suggéré que WikiLeaks devrait être interdit en France, sans qu’aucune décision judiciaire n’ait pourtant condamné l’organisation :
http://www.laquadrature.net/fr/wikileaks-et-la-censure-politique-dinternet-nous-voila-prevenus
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