L'intégration sociale par le sport est-il un leurre ?

Publié le 09 février 2011 par Jarousseau
Un récent rapport de l’Agence pour l’éducation par le sport vient de se pencher sur l'impact des clubs sportifs dans les zones urbaines sensibles en matière d'intégration ou d'éducation*. Le moins que l'on puisse dire est que ce rapport tend à démonter le mythe de l'intégration par le sport. S'il reconnaît que le sport associatif continue de jouer un rôle essentiel du vivre ensemble dans les territoires les plus vulnérables, notamment dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville, il s'interroge sur leur impact réel dans ces quartiers, notamment en matière d'éducation.


La pollution du sport business

Depuis la victoire de 98, la France Black-Blanc-beur, on nous rabâché, à toutes les sauces, les vertus du football comme vecteur d’intégration sociale jouant un rôle irremplaçable dans la prévention de la violence. C'est évidemment plus compliqué que cela et la dégradation de l'image du football depuis quelques années, avec pour point culminant l'affaire du bus de knysna nous le démontre.

Pour le sociologue Gilles Vieille-Marchiset, « dans les années 90-2000, quelques études nous avaient mis la puce à l’oreille sur l’efficacité réelle de cette politique qui arrangeait tout le monde : l’État et les villes mettaient de l’argent dans des clubs et ne s’interrogeaient pas sur son utilité ».

En effet, le Ministère de la jeunesse et des sports ne se prive pas pour relayer la moindre initiative : création du brevet d’animateur sportif, emplois aidés pour les associations sportives des quartiers et multiplication des complexes sportifs.

Mais le sport citoyen a depuis rencontré un adversaire redoutable : le sport business. Les millionnaires du jeu ont parfois détourné la vocation des clubs les mieux intentionnés. « Beaucoup ne pensent qu’à détecter des petits Zidane sans s’inquiéter de pédagogie et de formation pour ceux qui ne deviendront pas champions du monde » appuie Jean-Philippe Acensi. C'est effectivement une réalité, le football est vécu par certaines franges de la population les plus précarisées, comme le seul moyen de dépasser le "plafond de verre".

Des hauts et débats

En ce qui concerne l’intégration sociale, il est de bon ton d’affirmer que le sport est un moyen de canaliser la violence dans les quartiers en difficultés, souvent qualifiés d’ « enclaves », et de favoriser l’unité.

Jean-Philippe Acensi, créateur de « Fais-nous rêver », agence de l’éducation par le sport qui vise à promouvoir des projets d’insertion, décide de ne pas se contenter de cette bonne conscience collective : « On vivait sur un malentendu. Beaucoup d’initiatives formidables voyaient le jour, mais on observait aussi que nombre de clubs financés par l’État ou les collectivités locales vivotaient sans lien réel avec le quartier ou bien travaillaient sur des bases contraires à la volonté d’origine : hyper sélection des jeunes en fonction de seuls critères sportifs, recrutements de joueurs totalement extérieurs au quartier ».

L’agence a lancé une étude sur l’impact de 24 clubs installés dans des zones urbaines sensibles. « Les résultats nous ont confortés dans notre intuition, il reste beaucoup à faire pour que l’argent dépensé, soit vraiment utile », explique Jean-Philippe Acensi. « Une subvention ne sert à rien si on n’en suit pas les effets. Nous voulons aussi que les intervenants dans ces clubs, bénévoles ou salariés, soient mieux reconnus, mieux aidés et mieux formés. Sinon, ils risquent de se décourager et d’abandonner le quartier aux trafiquants de toutes sortes. »

Même si les effets de la pratique sportive sont loin d’être négligeables, ils dépendent du contexte de leur organisation, des caractéristiques et des compétences de ceux qui les mettent en œuvre. Sans réelle volonté publique, le transfert des vertus supposées du sport à d’autres domaines de la vie sociale est davantage de l’ordre des représentations que des réalités.

* in "Les clubs sportifs dans les zones urbaines sensibles : des lieux d’intégration et d’éducation ? Janvier 2011 - Rapport Final Les ressorts des innovations sociales dans les clubs sportifs dans les zones urbaines sensibles : approches systémique et critique