J’ai entendu ce matin à la radio une information qui m’a fait bondir (et un peu rigoler). Atos va arrêter l’usage des emails, pour privilégier la communication directe entre ses collaborateurs, tout en mettant en place des outils de communication instantanée. L’argument utilisé est que les collaborateurs reçoivent 200 emails par jour en moyenne, et qu’ils perdent un temps incroyable à les lire (je ne me souviens plus, mais quelque chose comme une vingtaine d’heures par semaine).
Bon, vous connaissez déjà un peu mon avis sur la question (voir aussi cet article).
Oui, devoir lire plusieurs centaines d’emails par jour empêche de travailler efficacement. Mais le problème vient de l’utilisation qui en est faite. Comme je le disais dans un précédent article, les emails ne doivent pas servir de support de gestion de projet, ni de partage de fichiers, ni de liste de tâches. Je ne peux pas concevoir de travailler correctement en étant noyé sous 200 emails quotidiens. Impossible. C’est pour ça qu’on utilise dans mon entreprise des outils correspondant à chaque usage (et c’est pour ça que ceux qui s’amuse à spammer inutilement se font rappeler à l’ordre).
À la radio ce matin, quelqu’un expliquait à un moment qu’il se retrouvait parfois à envoyer des emails à des gens qui sont dans le même bureau que lui, parfois qui sont assis en face de lui. Hum… Il faudrait peut-être commencer par là ? Non quand on a un truc à se dire, on commence par lever notre cul de notre chaise. Ça a l’air bête, hein, mais c’est tellement plus productif !
La réponse technologique m’étonne aussi. Vouloir remplacer les emails par des «outils sociaux» me laisse songeur. La messagerie électronique et la messagerie instantanée sont complémentaires, mais pas en concurrence ; ils correspondent à des usages et des besoins différents. Les forums de discussion peuvent être très utiles en entreprise, pour mener à bien des prises de décision par des équipes projet qui sont dispersées géographiquement. Est-ce pour autant qu’il faut abandonner les emails ?
En plus, j’espère que vous serez d’accord avec moi : la plupart du temps, il est plus rapide et efficace d’avoir une bonne discussion en face à face ou par téléphone, plutôt que de perdre du temps à taper au clavier. Cette remarque est valable aussi bien pour les emails que pour le “tchat” ou les forums de discussion.
Vouloir remplacer l’email, qui est non-intrusif, par de la visio-conférence ou par la messagerie instantanée ? Cela restera un effort aussi vain que d’avoir voulu remplacer le téléphone par ces mêmes outils. Ils sont tous voués à se développer en parallèle, s’enrichissant les uns les autres sans pour autant se remplacer les uns les autres.
Je me pose une question : Comment les commerciaux et les chefs de projets d’Atos vont faire pour discuter avec leurs clients ? Ils vont systématiquement imposer leurs outils de communication ? Sans rire ?
Alors évidemment, il y a des choses à améliorer dans le courrier électronique. Aussi bien dans son aspect technique que dans son utilisation :
- Le simple fait de voir les messages comme une discussion, tel que le fait Gmail, évite les redites inutiles.
- Les entreprises peuvent définir des règles d’écriture des messages internes, avec des normes concernant les titres des messages, pour s’y retrouver plus facilement.
- Et évidemment, il faut mettre en place des passerelles entre les différents moyens de communication, pour aider les utilisateurs à monter en compétence sur les outils les plus adaptés à chaque besoin.
Ça vaut ce que ça vaut, mais j’ai travaillé dans des entreprises qui ont fait des tentatives d’utilisation de messagerie instantanée. Le résultat était simplement que 80% des messages échangés n’avaient absolument rien de professionnels, et que ces outils étaient majoritairement utilisés pour prolonger les discussions entamées durant la pause-café sans se faire attraper par la hiérarchie. Un peu comme ceux qui gardent une fenêtre ouverte sur Facebook dans un coin pour discuter tout au long de la journée…