Mais ces projets n’orientent-t-ils pas l’économie française sur des chemins déjà tout tracés ?
Certes, il est encore trop tôt pour tirer un bilan des programmes engagés. Une dynamique a été enclenchée avec le Grand Emprunt, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) et d’autres moyens de financement de l’innovation. Mais celle-ci ne répondra probablement qu’en partie aux nouvelles règles qu’imposent les pays émergents comme aux nouveaux postulats issus de la globalisation.
Le premier postulat est que le monde est entré, depuis près de dix ans, dans une ère de l’innovation dont l’intensité est sans précédent ; il en résulte un impératif d’investissement dans la création, l’enseignement et le savoir, l’éducation et la formation, etc. afin de renforcer la compétitivité de la France et favoriser la création d’emplois. Tout ceci induit des ruptures pour l’économie française comme pour la société : promouvoir l’esprit de création, rémunérer à leur juste valeur les efforts d’inventivité, changer les systèmes scolaire et universitaire pour redonner vie à l’initiative, à l’esprit d’invention.
Le second postulat – fortement corrélé au premier – est l’entrée du monde dans une ère de l’immatériel si bien que d’autres atouts méritent d’être valorisés par l’économie française (savoir-faire, dépôts de marques et brevets, design, éco-conception, etc.) ; pour la France qui ne consacre pas suffisamment d’efforts à la R&D, il y a là une source de préoccupation majeure.
Le troisième postulat est que le futur appartient à ceux qui transcendent les frontières conceptuelles et non pas tant à ceux qui assemblent l’existant même dans les configurations les plus ingénieuses ; aux bâtisseurs de cathédrales du Moyen-Age, aux capitaines d’entreprise des Trente Glorieuses, aux start-up technologiques du monde virtuel, doivent pouvoir succéder des prescripteurs de nouveaux schémas de pensée et de développement.
Il n’y a d’investissements d’avenir que ceux qui prennent en compte ces trois postulats. Au demeurant, les expériences d’hier comme d’aujourd’hui nous rappellent aussi qu’investir :
1) c’est prendre un risque et non tenter de l’annihiler comme l’ont fait nos économies financiarisées ces dernières années ; c’est se réinventer, se projeter dans l’imaginaire comme le rappellent les récents Cahiers de Friedland : l’investissement ou comment réinventer le futur ? ;
2) c’est également s’en tenir à ses objectifs, aussi lointains soient-ils ; la Chine nous fait aujourd’hui une étonnante démonstration de sa persévérance et de sa constance en ne dérogeant pas à la politique d’investissement qu’elle s’est fixé à long terme ; à nous de faire maintenant preuve d’un volontarisme sans faille ;
3) c’est “jouer collectif”, décloisonner les mentalités pour financer les projets ; l’ensemble des acteurs – banques, capital-risqueurs, fonds “private equity”, microcrédit, établissements d’enseignement – doivent ainsi pouvoir se mobiliser au profit d’investissements porteurs ;
4) c’est associer, dans cette dynamique, les jeunes, pour les formations qu’ils ont reçues et les chances qu’ils augurent, tout autant que les seniors, pour les compétences qu’ils ont acquises et le capital d’expérience qu’ils représentent ;
5) c’est, enfin, soutenir au quotidien un certain nombre de valeurs de responsabilité et d’humanité dont la crise a souligné l’impérieuse nécessité.
Investir en se fondant sur ces quelques principes, c’est donner un vrai sens à l’action et bâtir la confiance en l’avenir qui nous manque trop souvent.