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Voyou en second

Publié le 09 février 2011 par Malesherbes

Il y a quelques semaines, lorsque Marianne avait titré « Le voyou de la République », une partie de la classe politique, pétrie d’obéissance au chef et confite d’adoration devant sa personne, avait crié au scandale. Et pourtant, dès son élection, celui-ci s’était fait offrir, avec sa famille, une croisière par Bolloré puis des vacances en Amérique par des industriels français. Comment s’étonner que ses collaborateurs suivent son exemple !

Il y a plus de quarante ans, lorsque je suis entré dans l’entreprise que j’ai servie ensuite jusqu’à ma retraite, on m’a remis un petit livret intitulé « Règles de conduite dans les affaires ». Entre autres dispositions, on y indiquait qu’il m’était interdit d’accepter de cadeaux de la part de mes clients. Et, afin de bien marquer ma responsabilité en cas de manquement à ces règles, on m’invitait ensuite, chaque année, à certifier que j’en avais bien pris connaissance. Dans le même ordre d’idées, un de mes amis, dont un fils épousait la fille du maire d’une grande ville, avait été fort contrit de voir celui-ci écarter toute faveur dans les dépenses liées à la noce et ne rien accepter sans facture. Mais tout cela remonte sans doute à un temps où la morale n’avait pas encore cédé devant l’appétit du lucre.

Toute cette classe jouit de revenus, de commodités de logement, de facilités de transport, qui les distinguent radicalement de l’immense majorité de nos concitoyens. Ceux-ci, pour la plupart, font face à des difficultés financières conduisant parfois au suicide quelques-uns d’entre eux. « Et ce n'est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! Ah ! J'ai honte pour vous ! (Ruy Blas, Acte III, scène 2). Il leur faut encore des cadeaux ! Ils osent nous répondre, en l’occurrence : ces vacances privées, payées en partie par le gouvernement égyptien, n’ont rien coûté au Trésor Public. C’est pire ! Si tous ces régimes qui n’ont pas, je cite, « la même lecture des droits humains que nous » mènent, sans notre ingérence, la politique qui leur sied, il ne nous appartient pas de la cautionner en nous faisant leurs complices. Je me demande même si, en temps de guerre, cela ne s’appellerait pas de l’intelligence avec une puissance étrangère.

Mais non, chez nos excellences, cela s’appelle « une maladresse ». Madame Alliot-Marie, s’il y a bien un domaine où la maladresse doit être bannie, c’est celui de la diplomatie. Et quel merveilleux signe de vertu : Matignon publie un communiqué présentant l’affaire des vacances égyptiennes de François Fillon avant la parution du Canard enchaîné. Voudrait-il nous faire croire qu’il aurait eu le même accent de sincérité si l’hebdomadaire n’avait pas découvert la chose ? Je vois cependant une excuse à cette conduite. Les cadeaux sont interdits parce que le bénéficiaire pourrait être tenté de témoigner, d’une manière ou d’une autre, sa reconnaissance au donateur. Mais, en fait, il n’y a rien à craindre. Avec le sens moral, nos ministres ont aussi perdu le sentiment de reconnaissance.


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