Le café bientôt une denrée de luxe ?

Publié le 09 février 2011 par Raphael57

Le café va-t-il devenir une denrée de luxe au vu de la hausse vertigineuse des prix depuis quelques temps ? La question mérite d'être posée lorsqu'on étudie le comportement des consommateurs face à ce risque. J'ai pu ainsi voir de nombreuses personnes se constituer de véritables stocks de café en prévision d'une hausse prochaine de son prix. Petite anecdote supplémentaire qui ne peut que confirmer les anticipations de prix faites par les ménages : un collègue me rapporter, il y a de cela une semaine, que le café au lait qu'il prenait chaque jour à la cafétéria d'un hypermarché du coin avait augmenté en quelques jours de 30 centimes, passant de 1,10 € à 1,40 € pièce... alors qu'au même moment la grande surface vantait ses prix bas sur un panneau publicitaire 4 x 3 m !

J'avais déjà évoqué la flambée des matières premières (sucre, blé, cacao,...), dans le cadre d'un article consacré à la guerre ouverte entre producteurs et distributeurs (médiatisée essentiellement par le secteur laitier), via notamment les marges arrières. J'y expliquais que les fluctuations intempestives de cours et une tendance souvent affirmée à la hausse ont contraint les producteurs à augmenter leurs prix. Malheureusement pour eux, ces hausses ne furent pas acceptées par les centrales d'achat des distributeurs, qui cherchèrent ainsi à préserver leurs marges et éviter d'augmenter les prix pour le consommateur (ce qui est loin d'être un acte de générosité, mais un moyen de ne pas perdre de parts de marché)...

Pour en revenir au café, les graphiques ci-dessous (cliquez dessus pour les agrandir) montrent l'évolution du cours du contrat à terme sur l'Arabica (marché de New York) et le Robusta (marché de Londres), qui est utilisé aujourd’hui utilisé comme prix de référence sur le marché du café tant son utilisation et sa liquidité sont grandes. Rappelons également que le robusta est principalement cultivé en Indonésie, en Afrique occidentale, au Brésil et au Vietnam, et représente actuellement environ 30 % de la production mondiale. L'arabica, qui représente actuellement environ 70 % de la production mondiale, est cultivé en Amérique Latine et en Afrique orientale.

  Évolution du contrat terme sur l'arabica (marché de New York)

[ Source : Les Échos.fr]

Évolution du contrat terme sur le robusta (marché de Londres)

[ Source : Les Échos.fr]

Si le volume des contrats à terme et des options sur le café robusta d'Euronext.liffe représente environ 5 fois la production mondiale de celui-ci, il ne faudrait pas en déduire trop vite que la spéculation est seule responsable de la flambée des cours à laquelle nous assistons. En effet, les principaux utilisateurs de ces produits financiers ne sont pas que des fonds d'investissement et des banques, mais aussi des exportateurs de café, des maisons de négoces internationales et des torréfacteurs qui cherchent à se couvrir contre les variations de cours.

Lorsqu'en plus l'on sait de plus qu'il faut environ quatre ans pour qu’un caféier produise une récolte utile et que les cerises de café ne mûrissent pas simultanément (même quand elles sont sur la même branche !), on comprend mieux les aléas de cette production et par conséquent les déséquilibres qui peuvent exister sur ce marché. Et actuellement, les catastrophes naturelles qui se produisent un peu partout dans le monde (et en particulier au Brésil en ce qui concerne le café...) ne font qu'ajouter des tensions supplémentaires sur l'offre de café et constituent, pour l'instant, la principale explication à la hausse des prix. C'est ce que confirme l'organisation internationale du café dans son dernier communiqué : "Market movements, coffee prices and market reports continue to be dominated by weather problems affecting many exporting countries. Consequently, coffee prices recorded further increases during the month of January, reflecting the current fragility of the supply/demand balance". Mais bien entendu, lorsque les prix ont une tendance haussière, le marché finira par attirer de plus en plus de spéculateurs en quête d'argent facile, mais aussi des arbitragistes qui chercheront à profiter des décalages entre les prix du marché physique et ceux du marché à terme.

Tout ceci est très inquiétant pour les populations, d'autant que l'indice FAO des prix des produits alimentaires (FFPI) a augmenté pour le septième mois consécutif, atteignant un niveau record - en termes réels et nominaux - depuis la création de l'indice en 1990 (cliquez sur le graphique pour l'agrandir) :

[ Source des données : FAO ]

En définitive, comme ces hausses tirent leur origine essentiellement des conditions météorologiques et économiques défavorables, il est à penser qu'elles vont se poursuivre dans les prochains mois et ques les matières premières atteindront un étiage élevé. Dans le cadre du G20, le constat posé par notre omniprésident sur la question étant déjà biaisé par sa vision de la spéculation, il n'y a pas grand chose à attendre de côté là, comme l'ont d'ailleurs prouvé presque tous les précédents Gvain...