Évoquant une situation grave et inédite, le juge Thiel a parlé sans langue de bois. Si le magistrat trouve normal que l’exécutif puisse formuler des critiques, il dénonce en revanche les saillies contre l’institution judiciaire. “Peut-être que le premier ministre n’a pas pris je le crains je le crois n’a pas pris l’exacte mesure de l’exaspération qui a gagné le corps des magistrats et qui semble même, horreur suprême gagner la haute hiérarchie judiciaire qui n’est pas une spécialiste non plus de ce genre de manifestations“.
Gilbert Thiel reconnaît volontiers qu’il y a des dysfonctionnements mais rappelle que le premier président de la cour d’appel de Rennes avait attiré l’attention de la Chancellerie et des comptables délégués par Bercy pour mettre en œuvre la RGPP. Et de souligner que le premier des dysfonctionnements réside dans les 100 000 décisions de justice non appliquées , de l’aveu même du garde des Sceaux, sans oublier l’impossibilité matérielle d’assurer un suivi des condamnés faute des moyens suffisants.
Thiel tord le cou à l’idée véhiculée par la majorité que l’on serait face à une corporation qui refuse de rendre des comptes et souligne qu’il faut attendre que les rapports d’inspection soient rendus pour stigmatiser ou sanctionner les fonctionnaires susceptibles d’avoir fauté.
Le juge lorrain pointe en revanche la responsabilité directe de ceux qui, de gauche comme de droite, sont chargés de doter la justice de moyens suffisants pour faire face à l’ampleur de ses tâches…et qui s’en abstiennent. Le fossé entre magistrats et exécutif semble aujourd’hui immense.
La volonté de l’exécutif à verser de l’huile sur le feu témoigne d’une intention affirmée et soigneusement soupesée d’en découdre que seules des arrières pensées populistes électoralistes peuvent expliquer. Comment ne pas remarquer que pour une fois les porte-flingues de service Hortefeux and co sont restés en arrière plan, sans oublier le ministre de la justice, et que ce sont le Premier ministre et le porte-parole du gouvernement qui mènent la danse.
Mardi François Baroin estimait sur France 2 que la protestation des magistrats contre les déclarations de Nicolas Sarkozy était “pour une large part orchestrée par des syndicats” opposés au gouvernement et évoquait “une des corporations qui a le plus de mal à assumer sa part de responsabilité“. La ligne jaune est toutefois franchie quand il ajoute les magistrats qui protestent “s’appuient sur ce qui est un fait divers pour eux” et qui est “pour nous un drame épouvantable, auquel nous devons apporter des réponses”.
Vincent Peillon avait déclaré il y a quelques années que “les campagnes de Nicolas Sarkozy sont fondées sur l’émotion, la peur et le mensonge”. Candidat à sa succession le Chef de l’Etat récidive en usant de ces vieilles ficelles.
“C’est le président de la République qui reçoit la douleur des familles, qui reçoit ce cri. C’est une douleur pour lui” et “sur ces sujets, il n’accepte pas la fatalité, il n’accepte pas que la société ne soit pas capable d’apporter des réponses, il n’accepte pas qu’il n’y ait pas des évolutions pour sauver nos enfants” a ainsi déclaré dans cette lignée François Baroin.
Tonalité étrangement identique du côté de François Fillon devant l’Assemblée nationale expliquant que Nicolas Sarkozy s’est fait “l‘écho de l’émotion” suscitée par le drame et en regrettant que “les acteurs dans cette affairen’aient pas fait preuve de la même compassion pour les victimes. Le martyre de Laëtitia a ému toute la France, et je veux dire avant toute chose que c’était le devoir du président de la République de se faire l’écho de cette émotion avec coeur”.