Boeing cйlиbre un avion qui a encore des ambitions
C’est indubitablement un programme rйussi qui, sans se presser, a honorй son contrat : le milliиme 767 vient de sortir d’usine et il a йtй livrй а la compagnie japonaise ANA. Laquelle, а cette occasion, ne donne pas prйcisйment une image de grande modernitй. Il est vrai qu’elle attend vainement ses premiers 787, dont elle est client de lancement.
Le 767, dont l’acheteur le plus rйcent est Azerbajan Airlines, a une longue histoire en mкme temps qu’il affiche encore de grandes ambitions. Boeing espиre en effet que la version militarisйe KC-767A l’emportera sur l’offre d’Airbus et sera le nouveau ravitailleur en vol de l’USAF. Si tel devait кtre le cas, le 767 serait assurй d’une prolongation de carriиre de plusieurs dйcennies.
Il n’йtait йvidemment pas encore question de l’A380, а la mi-1978, au moment du lancement du 767. Sans quoi Boeing aurait fait certainement dйjа fait bon usage de l’expression «middle of the market» et aurait vantй les mйrites des lignes directes point а point qui impliquent la mise en ligne d’appareils long-courriers de capacitй moyenne. Dans cette optique, le 767 a visй juste, avec une capacitй de 180 а 245 siиges, et a rendu de grands services, par exemple comme dйfricheur de nouvelles liaisons transatlantiques. S’il s’est bien vendu et a passй le cap des 1.000 commandes, il n’a pas йtй pour autant un succиs planйtaire.
Aujourd’hui, on devine l’embarras des grands communicants de Seattle. D’un cфtй, ils sont heureux de valoriser la livraison du milliиme avion mais cet йvйnement symbolique les oblige aussi а rappeler que le client de lancement, Japan Airlines, s’est dйcidй а passer commande en juillet 1978, il y a donc plus de 30 ans. Or ce mкme avion, а prйsent en fin de carriиre, est aussi celui qui sert de plate-forme au KC-767A dans le cadre d’une concurrence frontale avec l’Airbus A330-200 en uniforme. Il en rйsulte une guerre des anciens et des modernes d’un type nouveau.
Le 767 a par ailleurs marquй un tournant important dans la stratйgie du constructeur amйricain, cela а travers l’йtablissement de liens йtroits avec l’industrie japonaise. Etroitement associйe au programme en qualitй de partenaire de premier rang, elle a implicitement confirmй une certaine forme de renoncement nippon а devenir un intervenant aйronautique majeur. Et cet accord a permis а Boeing de constater а quel point il peut кtre profitable de s’entendre avec de grands partenaires acceptant de partager les risques d’un programme nouveau. C’est d’ailleurs en allant trop loin dans cette voie que Boeing a rencontrй des problиmes graves qu’illustrent les 3 ans de retard du 787.
En йvoquant le contexte dans lequel s’est dйroulй le lancement du 767, on ne peut s’empкcher de rappeler quelques-uns des aspects les plus йtonnants de cette tranche d’histoire. En 1978, en effet, Douglas et Lockheed se dirigeaient dйjа vers leur fin et les parts de marchй d’Airbus йtaient proches de zйro. En revanche, si les Europйens n’йtaient pas parvenus а imposer l’A300B, sans doute le 767 aurait-il connu un destin autrement brillant. D’autant que l’avion amйricain illustrait parfaitement l’йtat de l’art des annйes soixante-dix, notamment avec un cockpit moderne conзu pour un йquipage а deux et, grвce aux encouragements de la Federal Aviation Administration, l’apparition du concept opйrationnel ETOPS, Extended-Range Twin-Engine Operations. Bientфt, le 767 serait autorisй а s’йloigner de 180 minutes de vol de l’aйroport le plus proche.
A Everett, le milliиme 767 a йtй le prйtexte d’une rйunion de famille que l’on imagine volontiers sympathique. Trente ans aprиs avoir affrontй l’A300B, le voici face а l’A330, probablement son ultime combat. Mais est-ce un combat а armes йgales ?
Pierre Sparaco-AeroMorning