L’espoir de la recherche freiné par la peur de la connaissance

Publié le 08 février 2011 par Monthubert

Une fois de plus le Professeur Frydman vient de réaliser une prouesse scientifique. Il a permis à une famille, dont la fille est porteuse d’une maladie génétique, d’avoir un autre enfant qui ne soit pas porteur de la maladie ; qui plus est, grâce à un simple prélèvement sur le cordon ombilical du bébé, il sera probablement possible de guérir sa soeur aînée.

Cette percée scientifique arrive bien tard dans notre pays (cela fait 6 ans que cela existe dans d’autres pays),  en raison du cadre juridique extrêmement contraint concernant ces questions. Cette technique a été autorisée par la révision de la loi de bioéthique de 2004, mais le décret permette effectivement la mise en oeuvre n’est arrivé que fin 2006. Coïncidence, c’est aujourd’hui que débute à l’Assemblée Nationale l’examen de la révision de cette loi de bioéthique. Au cours d’une conférence de presse, le professeur Frydman a déploré “le maquis de précautions sur le plan législatif”. “A force de vouloir mettre de l’idéologie sans cesse”, cela “bloque les choses”.

Idéologie, le mot est lâché. Et il est juste. Depuis l’annonce ce matin de ce progrès scientifique et social, les réactions pleuvent : Christine Boutin, par exemple, évoque une “instrumentalisation de la personne” : “On a franchi un pas excessivement grave. Avec un tel +progrès+, l’homme devient un objet de consommation et un matériau”. C’est à croire que ceux qui réagissent ainsi se sont arrêté aux titres des dépêches, qui parlent de “bébé-médicament”, terme terrifiant qui donne le sentiment qu’on conçoit un bébé au seul motif de son intérêt thérapeutique, voire qu’on le détruit après s’en être servi. Nous sommes à mille lieues de la réalité de la famille qui a connu le double événement, le “double espoir” pour René Frydman, de pouvoir à la fois avoir un second enfant qui ne soit pas atteint par la maladie, et de pouvoir guérir l’aînée simplementen prélevant un peu de sang de son cordon. Evoquer l’idée que cette famille aurait conçu cet enfant uniquement pour soigner l’aînée est tout simplement absurde : avoir un second enfant n’est pas une pratique si exceptionnelle pour qu’on puisse la juger avec suspicion ! Parler d’objet de consommation parce qu’on va prélever du sang dans le cordon est à des années-lumières de la réalité de cette technique. Que devrais-je penser de moi-même quand je vais donner mon sang, que je suis un objet de consommation ?

Cet épisode illustre bien le caractère irrationnel qui entoure certains responsables publics quand il s’agit de conception. Avec la recherche sur l’embryon il en est de même. La confusion est entretenue sur ce qu’est réellement un embryon, souvent confondu avec un foetus. Le stade embryonnaire ne dure que huit semaines, et on parle de foetus au-delà. Dans la situation actuelle, il reste interdit de faire des recherches sur l’embryon, sauf dérogation accordée par l’agence de biomédecine à condition de respecter pas moins de sept critères. Ceux qui s’opposent à la recherche sur l’embryon ont-ils véritablement conscience qu’un embryon n’est pas une personne humaine, même s’il l’est potentiellement ? Au nom de quoi préfèrent-ils que l’on détruise des embryons créés dans le cadre de projets de fécondation in vitro, et devenus sans objet parce qu’une grossesse a été menée à son terme, plutôt que de faire de la recherche dessus ? Finalement, qui a peur de la connaissance ?