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VDV 32 – Des litres et des lettres terminent la soirée au bar des écrivains

Par Oenotheque

VDV32Ce n’est pas tout de se faire donner du Monsieur-le-Président par-ci, du Très-cher-Président par-là, de lancer les cogitations des vendredistes autour d’un thème aussi ardu que possible, et puis, le dernier vendredi venu, de se délecter de leur prose comme de leurs vers et verres. Il faut rédiger ce fameux compte rendu, refléter aussi fidèlement que possible la densité et la diversité des contributions, avant de passer le flambeau pour le thème suivant. « Des litres et des lettres » était donc le sujet de cette 32ème rencontre virtuelle dont il a été dit qu’elle sera littéraire ou qu’elle ne sera pas. Grâce à vous, c’est bien la première option qui s’est réalisée, avec une richesse que je vais tenter de restituer ici. Oh, j’aurais pu distribuer des prix littéraires aux articles, comme d’autres distribuent des médailles ou des notes aux bouteilles. Mais je ne me sens nullement qualifié pour cela et préfère inviter tout ce beau monde, bloggeurs, facebookeurs, mais aussi les écrivains et vignerons conviés pour l’occasion, à terminer la soirée au bar.

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Angoulême. Photo : Pierrick Bourgault.

Miss Viky Wine y met de l’ambiance, comme à son habitude. Non, elle ne danse pas (encore…) sur les tables, mais avouez que de l’entendre déclamer « Sans complexe, Plus Sexe qu’intrinsèque ! A grands coups de canons répétés, A grands coups de câlins culottés, Moi je suis l’avocat de la robe soulevée » dans un langage fleuri, ça nous la change de son ton généralement plus Fleurie. Luxe et volupté… Baudelaire est passé par là, mais ce sont Rabelais, Ronsard et Balzac qui se partagent une bouteille de « Clos de la Dioterie 2008 » de Charles Joguet, avant de remonter un peu le temps avec une « Cuvée Clos de Neuilly 1996 » de Johann Spelty. En effet, « à Chinon on prend son pied de vigne ! »

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La Chartre. Photo : Pierrick Bourgault.

Baudelaire, de son côté, s’est installé à la table du Rustre. Avec les amis Desproges et Devos, ils ouvrent un Bourgueil, mais attention, c’est uniquement pour repousser les métastases, même si Charles préférerait que l’on s’enivre rapidement, de vin, de poésie ou de vertu, mais qu’on s’enivre sans trêve ! Alors, patiemment, le Rustre leur raconte une longue et bien triste histoire. C’est l’histoire d’un futur pas si lointain si nous n’y prenons garde, où tout plaisir aura été banni de la vie de l’individu-consommateur, pour son propre bien et sa longévité purifiée… Est-ce parce qu’on parlé de Neuilly à la table voisine que le Rustre a été envahi par une vision aussi cauchemardesque ??? Allons, ouvrons avec lui un Gevrey Chambertin « Les Cazetiers » 2005 de Philippe Nadef, transgressons, disons merde aux tas de gnous aseptisés. En cela la compagnie est rapidement rejointe par l’ami Bétourné, l’homme au cigare, car oui, on fume dans ce café !, nous raconte une étrange histoire issue d’un de ses Littinéraires Viniques qui l’a conduit en voyage au pays des chimères. Tout avait portant bien commencé, par une sensuelle rencontre, mais ensuite… non, voyager au pays des chimères n’est pas de tout repos !

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Istanbul. Photo : Pierrick Bourgault.

Ce sont également des histoires d’amour qui se racontent à cette table, un peu plus loin, dans un coin un peu plus sombre et propice aux confidences. Avec encore beaucoup d’émotion dans la voix Laurent, Caviste Orpailleur de son état, évoque cette belle inconnue dont l’étreinte fut délicate et puissante, sensuelle et fulgurante. L’absence, la vacuité de la bouteille sans nom dont le contenu n’est plus qu’un souvenir s’éteignant lentement, n’en est que plus douloureuse... C’est plutôt un amour déçu que Doc nous rapporte d’une de ses Escapades : « Ivresse des sens » s’appelait la belle. Faut-il ici trahir son nom de famille ? Car en fait d’ivresse, ce sont plutôt les termites qui auraient pu se régaler de ce pur jus de planche. Et ce n’est pas aux vins de faire la planche ! Cela tombe sous le sens, vu l’érotisme latent ou moins latent de certaines contributions, comme dans cet extrait de Vendange de Miguel Torga, cité par le Bicéphale Buveur : « Caleçons retroussés, les hommes foulaient le raisin, en un mouvement qui avait quelque chose du coït, d'une chaude et sensuelle défloration ». Mais c’est moins une histoire d’amour qu’une histoire de misère et d’exploitation des paysans dans la vallée du Douro, dont on honorera la mémoire avec un Porto Barros « colheita 1980 ».

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Lisbonne. Photo : Pierrick Bourgault.

Des amoureux du vin, il y en a à présent dans tout le bar. Bernard Pivot, invité par François de Bourgogne Live, nous décline son dictionnaire. L’occasion de lui faire, avec Vincent Roca, un clin d’œil : « Dégustateur à la langue bien pendue, oeuvrologue au goût très éclectique, allant du grand écrit bourgeois au gros pavé qui tache, il recevait à sa table des grappes-papiers de renom, qui venaient présenter les meilleures feuilles de leur cru ». Un parallèle audacieux qu’ose aussi Antonin, Vindicateur pourtant peu vindicatif, entre vin et livre, entre roman de gare et vin de garage. Et on imagine sans peine l’application à la littérature des préceptes des pontes du marketing, relayés joyeusement par différentes autorités : « La littérature française s’exporte mal, en-dehors de nos prix Goncourt, Renaudot et Fémina. Les autres trouvent insuffisamment de débouchés, y compris sur le marché domestique. Les écrivains devraient utiliser moins de mots et simplifier leur offre »… Bernard Pivot, très en verve ce soir (certains proposent même d’en faire un invité permanent de nos rencontres du 2.0ème type) délaisse son dictionnaire et organise de suite un apostrophique débat autour de cette question.

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Amsterdam. Photo : Pierrick Bourgault.

Tant mieux, car Olivier, Showiniste en chef, nous a apporté son propre dictionnaire, pour décliner litres et lettres. De A comme Azan, seigneur en terroir de Limoux, à Z comme… zut les lettres B et C sont déjà prises pour Catherine Bernard, aux vins zi délicieux. Tant de lettres… mais c’est au V qu’on s’arrête chez Eyes Wine Open, V comme les voluptueuses volutes du vin… Mots et vins, vins et mots. A cette table on aime en jouer. Pour Véro du Mas Coris : « les mots sont très proches du vin, ils vous remplissent la bouche, certains croquent, d'autres fuient, d'autres coulent, explosent en bouche. Et que serait le vin ou les mots sans l'homme ? Rien, inexistant... ». Émile Nelligan, arrivé un peu tard, mais de si loin (en direct d’Omaha avec l’amie Dominique) confirme en déclamant sa Romance du Vin. « Les cloches ont chanté; le vent du soir odore... Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots, Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore, Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots ! » C’est à grand trait d’un mystérieux « Clairet Lafitte, vendange 1890 » qu’il cherche à contenir son émotion.

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Trentino. Photo : Pierrick Bourgault.

Plus loin, Proust et Tchékhov partagent leurs observations sur l’âme humaine. Seul le bruit d’une Veuve Cliquot « rosé vintage 2002 », servie savoureusement avec passion par Nathalie alias Tiuscha, leur fait marquer une pause. Elégant, distingué, un peu en retrait, comme aime à l’imaginer Nathalie, Marcel observe l’assemblée et aperçoit déjà ses prochains personnages. La littérature proustienne semble décidément liée aux vins, nous dit Catherine sur son blog Une femme, des vins, citant Richard Onley et son livre sur la Romanée Conti. Mais c’est du côté du bordelais rival qu’elle nous a déniché une « Petite Madeleine » une cuvée de Malbec du Château Magdeleine Bouhou. Proust est aux anges, sa madeleine faite vin et son champagne favori à portée de lèvres, il songe même à réécrire certain passage de Du Côté de chez Swann : « Mais à l’instant même où la gorgée mêlée de bulles toucha mon palais, je tressaillis… » Mais déjà Tchékhov ne l’écoute plus, crânant fièrement avec une bouteille de Pinot Noir du Bade-Wurtemberg à son effigie, une bouteille providentiellement tombée entre les mains de votre serviteur. Voilà qui n’impressionne nullement Monsieur Jean-Baptiste Poquelin, Lui c’est tout un domaine qui est à son nom, et pas des moindres : le Domaine des Côtes de la Molière. Isabelle ne le laisse en effet pas mourir de soif : « Allons, qu'on donne du vin à Monsieur Jourdain, et à ces Messieurs qui nous feront la grâce de nous chanter un air à boire ».

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Le Mans. Photo : Pierrick Bourgault.

On ne chante pas au comptoir, mais on s’y amuse follement. Daniel, passionné de la rive droite, nous a concocté un quizz œno-littéraire qui tient tant Bernard Clavel qu’Edmond de Rostand en haleine. Ils auront bien mérité un verre de Riesling « Clos Sainte Hune » de Trimbach. Olif, du blog éponyme, n’est cependant pas d’accord avec l’énigme « Dans un sinistre bourg du Jura, se déguste un Château-Chalon de Macle » : il n’y a pas de bourg sinistre dans le Jura !!! Et il le prouve en servant quelques pages d’un CC 1955 de Léon Cartier en accompagnement d’un verre de Panique dans les Vignes du Jura, de Jean-Claude Barbeaux. A moins que ce ne soit l’inverse, à cette heure-ci, je m’y perds un peu, contrairement à Nina, seulement Lost in wine. Son « Amarone della Valpolicella 2003 » de San Raffael – Monte Tabor a la même délicatesse que L’Esprit du Vin et autres Récits de Michel Pagel.

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L’Antico Caffè Greco, à Rome, a été déclaré « particulièrement important »

par le décret du 27 juillet 1953, comme en témoigne une plaque de marbre

du Ministère de l’instruction publique ! Photo : Pierrick Bourgault.

De son côté, Daniel tire une « Ficelle de St Pourçain » des pages du Braconnier de Dieu de René Fallet. Un Fallet très présent ce soir, avec sans doutes un peu de Morgon dans les veines, même si c’est finalement Jérôme Leroy qui aura le dernier mot, avec des mots extraits de son recueil de poésie Le Déclenchement muet des opérations cannibales : « Je boirai la dernière bouteille de Pur Sang, De Didier Dagueneau, Quand je ne sais qui, je ne sais quoi, aura, Empoisonné les derniers points d'eau ». Nous arrive aussi Gérard Oberlé, qui a roulé sa bosse au travers de nombreux Itinéraires spiritueux, dont quelques coteaux alsaciens arpentés avec Jean-Marc. Michel, qui milite Pour le vin et dévore des romans d’aventure sous la couette, mélange rarement les deux. Laurent ne nous arrive pas de sa Confédération, mais de contrées plus lointaines, où il a rencontré Babur lui avouant que « Depuis que j’ai renoncé au vin, je suis tout hors de moi-même et je n’ai plus ma tête à moi ». Voilà qui ne devrait pas nous arriver de si tôt : Félicien, qui consomme litres et lettres, Etiquettes et couvertures, de manière fort différent, sert immédiatement un « Orchis » de Naudin-Ferrand. Il évoque déjà de nouveaux points de chute pour tout ce monde. C’est au Flo des Mots que ça pourrait se passer, autour d’une énigmatique « cuvée Siquésuqué »…

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Mais il nous manque encore quelqu’un… Véro nous offres quelques chocolats et nous rappelle, en chorus avec Robert Pirsig, l’importance de rester zen en toutes circonstances, même quand on doit entretenir sa motocyclette. Après avoir farfouillé dans sa caisse à outil ou sa boite de chocolats, j’avoue ne pas avoir bien regardé, Bob nous exhibe un tire-bouchon avec lequel il ouvre joyeusement un « Clos des Cèdres 2001 » du Domaine de Lisson. Mais c’est bien sûr, c’est Iris qui nous manquait, la voilà qui arrive, les bras pleins de livres glanés avec passion aux fils de ses pérégrinations. Pas le temps de faire un compte rendu ? Mais quelle importance, pourvu que nous ayons plaisir à nous retrouver autour d’un verre et de quelques mots, point besoin d’ingurgiter des litres ni d’aligner des lettres pour ça.

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Sacé. Photo : Pierrick Bourgault.

Un dernier verre de remerciements pour la route… A tous les contributeurs pour avoir produit au total plus de 50 pages de grande qualité. A Pierrick Bourgault pour les photographies qui illustrent ce compte rendu, certaines sont extraites de trois de ses livres (à découvrir sur son site monbar.net) d’autres sont inédites. A Iris, enfin, pour ses bons conseils. Il ne me reste plus qu’à passer le flambeau à la prochaine présidente !


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