Un livre pavé dans la mare contre la garde à vue.
Je vais éditer, le 20 janvier prochain, un ouvrage choc sur la garde à vue. L'ouvrage, publié par le vice-Bâtonnier des avocats de Paris, Maître Jean-Yves Le Borgne, est intitulé : "La garde à vue : un résidu de barbarie".
Le principe de la garde à vue en théorie
En droit pénal français, la garde à vue est le maintien à disposition d'une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, par les forces de police ou de gendarmerie dans le cadre d'une enquête judiciaire. C'est une mesure privative de liberté, d'une durée strictement limitée qui reste sous le contrôle permanent de l'autorité judiciaire. Le fait de s'y soustraire constitue une évasion, réprimée en tant que telle par le Code pénal.
La garde à vue est régie notamment par les dispositions des articles 63 et suivants, 77, 154, 706-88 et 803-2 et suivants du Code de procédure pénale.
Le procureur de la République « visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an » (art. 41 du CPP).
Le 30 juillet 2010, saisi dans le cadre d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité, le Conseil constitutionnel « a déclaré contraires à la Constitution les articles 62 (audition des personnes convoquées sans avocat), 63 (principe et modalités de la garde à vue), 63-1 (notification des droits), 63-4 (entretien limité avec un avocat : 30 mn max, pas d’accès à la procédure) et 77 (application de la garde à vue aux enquêtes préliminaires) du Code de procédure pénale » avec application au 1er juillet 2011.
Dans un arrêt rendu le 14 octobre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamne la France et « affirme que, dès le début de la garde à vue, toute personne doit se voir garantir l'ensemble des droits de la défense, en particulier celui de ne pas participer à sa propre incrimination et d'être assisté d'un avocat durant les interrogatoires ».
Le 19 octobre 2010, la Cour de cassation déclare non conformes au droit européen les dispositions limitant la présence de l'avocat en garde à vue, y compris pour les régimes dérogatoires – criminalité organisée, terrorisme, stupéfiants.
Selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, 800 000 personnes par an sont mises en garde à vue en France, dont 300 000 conducteurs automobiles ayant commis une effraction plus ou moins grave au code de la route ou étant en état d'ébriété.
Cette situation a même ému le premier ministre François Fillon sans qu'aucune mesure ne soit prise pour entraver l'arbitraire de policiers qui usent et abusent de la garde à vue pour humilier des citoyens et leur démontrer où est la force. Jean-Yves Le Borgne avait déjà dénoncé en 2003 dans un article, « La garde à vue : un résidu de barbarie », publié par Le Figaro, ces intolérables dérives. La situation s'étant aggravée, il publie, preuves et exemples à l'appui, un réquisitoire implacable et propose les réformes qui s'imposent à notre démocratie.
Cela fait très longtemps que je souhaite publier Jean-Yves et depuis qu'il est devenu, avec Jean Castelain, Bâtonnier des avocats de Paris, son rôle est de dénoncer ce genre dérive et d'y apporter des solutions.
La polémique
Leur nombre s'est fortement accru en France durant les années 2000, atteignant 562 083 en 2007, soit 54,2 % de plus qu'en l'an 2000, celles de plus de 24 heures augmentant même de 73,8 % et celles motivées par une infraction au droit de séjour des étrangers subissant une escalade de 179 %. La Commission nationale de déontologie de la sécurité a déploré dans son rapport 2007 le fait que des gardes à vues aient été effectuées sans que les personnes retenues se soient vues signifier leurs droits, notamment dans le cas de mineurs.
Selon Human Rights Watch, la justice française utilise le délit d'«association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» pour placer, abusivement, de nombreux suspects en détention provisoire.
En 2009, la controverse sur la garde à vue continue alimenté par deux « sources » : un usage abusif de la garde à vue par les forces de l'ordre (garde à vue pour « outrage », garde à vue à l'encontre de simples témoins et par des accusations de non conformité de la garde à vue face à la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, par une décision en date du 27 novembre 2008, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la Turquie pour violation de l'article 6 de la Convention, en n'offrant pas au gardé à vue la possibilité d'obtenir l'assistance d'un avocat durant son interrogatoire. Selon le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris, il est possible de s'appuyer sur cette décision pour annuler nombre de procédures en France, beaucoup de gardes à vue se passant dans des conditions réprouvées par cet arrêt, notamment avec des interrogatoires réalisés en l'absence de l'avocat du gardé à vue. Cette analyse juridique est cependant contestée par la Chancellerie (Ministère de la Justice ou Garde des Sceaux) qui explique que l'article 63-4 du Code de procédure pénale prévoit le droit pour le gardé à vue de s'entretenir avec un avocat, et que l'absence effective de ce dernier durant les premières heures de la garde à vue est due à des motifs matériels (le temps, pour l'avocat, de se rendre sur place, par exemple). Le 28 janvier 2010, le tribunal correctionnel de Paris annule pourtant cinq gardes à vue en raison de l'absence d'avocat durant les interrogatoires (cette absence, selon le tribunal, compromettant les « droits de la défense » dont le respect est exigé par l'article 6 de la Convention), et en se basant sur l'arrêt précité de la Cour européenne des droits de l'homme.
Le 13 janvier 2010, les sénateurs verts, soutenues par les sénateurs socialistes, déposent une proposition de loi portant réforme sur la garde à vue.
Le 1er mars 2010, lors d’une audience de comparutions immédiates, les avocats ont profité de la réforme du Conseil constitutionnel, en vigueur depuis ce même jour, pour utiliser une nouvelle procédure destinée à contrecarrer l'avant-projet de loi concernant la garde à vue sans leur assistance.
La publication de cet ouvrage était donc nécessaire afin de dénoncer ce scandale.