A l’heure où Le Parisien – entre autres – voit une menace chinoise un peu partout je me suis dit que l’occasion ne pouvait mieux se présenter de faire connaissance avec le terrible docteur Fu Manchu ! Encore un personnage dont on a au moins une fois dans sa vie entendu parler, sans jamais trop savoir de quoi il en retournait exactement.
Comme bien souvent, je ne commence pas par le bon bout (à savoir Le Mystérieux Docteur Fu Manchu) mais par le troisième volet d’une série qui en comprend …
Mais cela n’est pas bien grave, car l’histoire se suffit à elle-même et comme bien souvent dans les polars « en série » on vous rappelle, sinon les épisodes précédents, au moins les principaux traits de caractères des protagonistes. Ce qui peut s’avérer assez ennuyant quand on est habitué à la série, mais qui, ici, m’a bien dépanné ! Car nos deux héros (Sir Denis Nayland Smith et le Dr. Petrie , qui ne sont pas sans rappeler Sherlock Holmes et son fidèle Watson, comme le rappelle à juste titre la quatrième de couverture) ont déjà eu affaire au sinistre mandarin (ou plutôt Mandchou/Mandchu…) et ont d’autant plus de raison de craindre ce mystérieux Si-Fan : groupuscule qui veut réaliser une une « prophétie » tenace en Extrême-Orient, selon laquelle une femme, un jour régnera sur les peuples connus. Femme asiatique, bien entendu, ce qui pose problème aux gentlemen du siècle dernier. Ambiance…
Ambiance délétère au propre comme au figuré. Car on se trouve plongé dans le Londres des bas-fonds du début du siècle où croupit toute la racaille chinoise s’adonnant bien souvent au vice (jeux et opium ou haschich entre autres) ; car les Asiatiques ne peuvent être que foncièrement mauvais et perfides ! Et là, on se demande si certains journalistes, de nos jours, n’ont pas été un peu trop abreuvés de lectures d’un autre siècle. Certes, autres temps autres moeurs, et à l’époque l’Asie était encore largement mystérieuse, inconnue et sauvage pour les Occidentaux, il n’empêche, les préjugés sont encore pire que dans les autres histoire criminelles de Chinatown, et on se demande souvent comment on a bien pu lire un tel tissu d’âneries qui ne reflétait nullement la réalité et qu’on a dû tenir pour acquis.
Il faut renconnaître que le style n’est peut-être pas pour rien dans le succès qu’ont eu les romans de Sax ROHMER.
A l’animation qui régnait dans le vestibule de l’hôtel, je compris que le Si-fan, cette puissance invisible et sinistre, était entré en action, et qu’il avait arraché mon ami à cette vie joyeuse pour le plonger dans un silence énigmatique et fatal.
Certes, il est parfois un peu désuet, mais c’est justement ce qui contribue à son charme. Et surtout les actions, parfois invraissemblables, s’enchaînent à un tel rythme qu’on s’oublie dans l’aventure (qui occulte rapidement l’enquête initiale ; et j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi on l’a classé roman policier…) ! Le seul petit point négatif qui peut devenir rébarbatif tient à la publication, à l’origine, en feuilleton : certains rappels deviennent pénibles à la longue, et alourdissent inutilement la trame…
Une découverte intéressante pour se rendre compte que finalement le péril jaune n’a pas complétement disparu des pensées. Même si au début du XX ème siècle, on frôlait bien plus le racisme, en ce sens qu’on distinguait des races et qu’il fallait le représenter. Ainsi le Chinois est plus que proche du singe :
Au même moment, une silhouette louche, voûtée, simiesque, à la démarche curieusement chaloupée, surgit d’un recoin invisible et sauta, tel un fauve, sur les épaules de Smith !
C’était un Chinois, qui portait une veste courte et ample ; comme il était tête nue, je vis la volute sinistre que faisait sa natte sur son crâne jaune.
Quant aux femmes asiatiques, ce n’est guère mieux :
Je ne savais pas qu’une Chinoise pouvait être aussi belle.
Il se peut fort bien que sa mère ne soit pas chinoise ; de plus, il y a en Chine partout nombre de jolies femmes ; et l’art du maquillage y est tout aussi répandu.
Mais il n’est pas sûr que je me précipite dans l’intégralité des aventures. Peut-être le premier vaut-il la peine d’être lu pour découvrir vraiment le personnage initial, car ici on s’intéresse plus à la menace d’une organisation tentaculaire, qui envisage de s’étendre sur le monde entier (et de l’asservir) plus qu’au terrible Docteur. Et le dernier pour voir si ce dernier disparaît…
À noter également que cet article est publié dans le cadre du challenge ABC critiques de Babelio dont j’avais déjà parlé.