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Les mots aident nous aident à former les concepts mathématiques

Publié le 08 février 2011 par Olivier Leguay

Le sujet est épineux. Quels rapports entretiennent les concepts mathématiques et les mots qui les définissent, ou plus exactement avec l'image mentale qui se construit lorsque l'on utilise des mots? Stella Baruk a abordé un aspect de cette question, en pointant les mélanges et confusions qui pouvaient se produire en associant les concepts mathématiques à des mots ainsi qu'en formulant des problèmes à contenu mathématique en langage courant (ou supposé comme tel).

Une équipe de l'Université de Chicago a réalisé une expérience très intéressante qui va certainement permettre de nombreuses autres avancées ultérieures. Les recherches ont été faites sur une population de sourds du Nicaragua qui  n'ont jamais appris le langage des signes et qui communiquent entre eux avec des gestes qu'ils ont développé eux-mêmes que l'on appellera autosigneurs. Ils sont dans l'incapacité de comprendre la valeur de nombres plus grands que trois parce qu'ils n'ont pas développé de signes associés.

En revanche, les personnes sourdes qui apprennent la langue des signes classique comme les enfants, peuvent apprendre le sens des grands nombres. Les chercheurs pensent que c'est parce que les langues contiennent des signes conventionnels, comme la langue parlée, que les enfants peuvent apprendre très tôt la routine du comptage.

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Vidéo montrant une personne sourde autosigneuse qui ne comprend pas les nombres supréieurs à trois en ne parvenant pas à faire correspondre un nombre d'objet avec le  nombre de coups qu'elle reçoit sur la main.

L'étude illustre la complexité de l'apprentissage des relations symboliques inscrites dans le langage, y compris le simple concept de nombre. Le travail effectué pourra aider les chercheurs à mieux comprendre comment le langage façonne la manière dont les enfants aprennent les concepts mathématiques de façon précoce et comment ce processus crucial se déroule pendant la période préscolaire.


"Ce n'est pas juste le vocabulaire dont il est question, mais de la compréhension des relations qui sous-tend les mots  - le fait que "huit" est un de plus que "sept" et un de moins que "neuf". En  ne possédant pas un ensemble de nombres-mots, les sourds autosigneurs échouent dans la compréhension que les nombres se construisent sur les valeurs des autres" explique Susan goldin-Meadow, Professeure de Psychologie à l'Université.

L'étude initiale a été publiée en 2008 par Elisabeth Spaepen.

Incapacité de penser les nombres plutôt qu'à les communiquer

Les chercheurs avaient déjà remarqué que les personnes de culture isolée n'apprenaient pas la valeur d'un grand nombre lorsqu'ils n'apparaissaient pas dans leur langue locale. Deux groupes étudiés en Amazonie, par exemple,  ne possèdent pas de mots pour les nombres plus grands que cinq et sont incapables de faire correspondre deux rangées de pions supérieures à cinq objets. Leur culture locale ne requiert pas l'usage de tels nombres, cequi peut expliquer leur difficulté.

Cependant, la plupart des Nicaragayens utilise des nombres exacts dans les transactions monétaires quotidiennes. Bien que les sourds autosigneurs comprennent la valeur relative des différents moyens de paiement, ils ont une compréhension incomplète des valeurs numériques car ils n'ont jamais appris le nom des nombres.

Pour cette étude, les chercheurs ont donné une serie de tâches à réaliser aux autosigneurs pour déterminer dans quelle mesure ils étaient capables de reconnaître les valeurs monétaires. Ils ont montré desbillets de 10 et de 20 et on demandé quel étaient ceux qui avaient le plus de valeur. Lorsqu'ils ont demandé 9 pièces de 10 avaient plus ou moins de valeur qu'un billet de 100, les autosigneurs ont été en mesure de déterminer la valeur relative de l'argent.

Les pièces et les billets varient en taille et en couleur en fonction de leur valeur. Cela donne des indices  sur leur valeur même si l'utilisateur n'a pas la connaissance des nombres. Les autosigneurs peuvent apprendre en fonction de la couleur et de la forme les valeurs relatives sans nécessairement comprendre pleinement le concept de valeur numérique.

Pour voir si les autosigneurs peuvent exprimer une valeur numérique en dehors du contexte de l'argent, les chercheurs ont montré des vidéos animées dans lesquelles les nombres avaient une place très importante. Ils ont ensuite demandé aux personnes sourdes de raconter la vidéo a un ami ou un parent. Lorsque les nombres augmentaient, les autosigneurs étaient de moins en moins en mesure de produire un geste précis avec leurs doigts.

Ils leur ont ensuite montré des cartes avec des nombres d'objets différents et leur ont demandé de produire un geste qui rerésente le nombre d'article. Les autosigneurs étaient capables de le faire de façon exacte jusqu'à trois. Ils éprouvaient cependant de la difficulté à atteindre le résultat avec une deuxième rangée de pions lorsque qu'elles en contenaient plus de trois, malgré le fait que cette tâche ne nécessite aucune compréhension, ou production de signes spécifiques associés à ces nombres. Leur difficulté à comprendre un grand nombre n'est donc pas due à une incapacité e communiquer sur ce grand nombre mais plutôt à une incapacité de le concevoir, concluent les chercheurs.

Article original et la vidéo


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