C'est tout de même dommage, un film qui s'appelle Discours d'un roi, cite Shakespeare toutes les trois secondes, et qui oublie de sonder la portée d'une parole royale, ou de mesurer le poids d'une couronne.
Au début il y a bien le corps du roi. Le visage rosé, la peau d'anglais d'un Colin Firth engoncé dans ses vêtements gris. Une bouche toujours figée dans la grimace, une moue qui est un peu plus que du flegme britannique. Et quand les mots se refusent, le bonhomme est seul devant la forme improbable du micro, les yeux de la foule renvoyant son royal hoquet à un silence encombrant. Ce n'est pas un orthophoniste qu'il faut voir, c'est un coach sportif. Notre roi en bras de chemise fait des exercices, s'essouffle, rougit, rugit. Entre le corps miséreux du prince et le corps glorieux du roi, il y a ce chemin balisé du bégaiement à la parole que le film de Tom Hooper nous fait emprunter paisiblement.
L'ennui vient avec les décors. Comme dans l'appartement du docteur Logue, il y a dans Le Discours d'un roi un effet papier-peint. Les reliefs sont soigneusement aplatis, les murs soigneusement décorés. De manière pertinente, me direz-vous, pour parler de la vie lambrissée d'une famille royale avec ses frises de conventions. Mais le théâtre que nous avons-là est bien grossier, les visages sont déformés, et Churchill a mauvaise mine. Les corps perdent en relief et notre histoire de roi bègue perd en profondeur. On se fourvoie dans les confidences psychologisantes d'un prince pincé par sa nounou, grondé par son papa, corseté par l'héritage de son rang.
A aucun moment, la question du mutisme et de la parole ne dépasse en portée le petit théâtre de la cour. Plus qu'un moyen de communication, la radio devient à la fin du film l'occasion d'un confinement (la petite salle aménagée par le docteur Logue) et d'un aboutissement personnel tout juste sympathique. Pas plus? Non, pas plus.