Le vrai terrain, celui où l'on doit pouvoir à la fois vibrer et se dépasser, c'est l'action. On écoute les individus pour sentir ce que le collectif a dans le ventre. On crée entre eux les bonnes connexions pour faire émerger les dynamiques porteuses. Et puis on les fait agir ensemble. Mais, dira-t-on entre un communiqué de presse et un séminaire managérial, en quoi au juste ce faire-agir ensemble est-il le sujet du directeur de la communication ?
La question ne se pose évidemment pas en ce qui concerne le périmètre de la direction de la communication elle-même. Le dircom est un responsable comme les autres qui doit fixer à la fois un cap, un cadre et un canevas pour l'action de ses équipes en faisant en sorte d'atteindre un certain nombre de résultats. Et comme partout ailleurs, le style d'intervention sera d'autant moins directif que le niveau de compétences et d'engagement, l'alignement stratégique et le degré de confiance, seront élevés.
Ces équipes peuvent d'ailleurs atteindre des tailles significatives dans un certain nombre d'organisations - de dix à cent personnes pour prendre une maille large dans les groupes de taille significative. Une des spécificités de la fonction toutefois est qu'elle est amenée à développer un certain nombre de relations qui vont au-delà de son périmètre hiérarchique.
Communiquer de ce point de vue, c'est se retrouver au centre d'un ensemble de relations qui, au-delà de l'équipe elle-même, englobent la direction générale, les directions opérationnelles et fonctionnelles, les sites et, bien sûr, tout l'éventail des parties prenantes externes : médias, investisseurs, décideurs, influenceurs, agences, associations et partenaires divers - toutes essentielles à la réussite du projet de communication de l'entreprise. Il s'agit au minimum de s'assurer que les informations pertinentes circulent de façon efficace dans les deux sens, entre l'interne et l'externe, vers le bas et vers le haut et, de façon plus transversale, entre les différents services de l'entreprise.
Cette spécificité s'estompe certes sous l'effet du développement général de la transversalité et de l'intégration croissante des parties prenantes dans toutes les fonctions de l'entreprise. Une direction industrielle coordonne un nombre significatif d'interfaces dans un cadre d'organisation souvent complexe. De même, les directions financières sortent elles aussi de plus en plus de leur périmètre naturel d'intervention, que ce soit pour améliorer la qualité de leur reporting ou pour s'assurer que les fondamentaux économiques et financiers sont à la fois compris et partagés par les autres acteurs, notamment opérationnels, de l'entreprise.
Il y a cependant quelque chose de différent dans le cas de la communication, inscrit pour ainsi dire dans son ADN-même. Elle est par nature en relation avec l'ensemble de l'entreprise. D'une certaine manière, rien de ce qui relève de la vie de l'entreprise ne peut lui être étranger puisqu'elle a vocation in fine à faire entendre la voix de la firme dans sa diversité - une diversité qui, bien comprise, c'est-à-dire approchée dans le contexte d'un organisme vivant qui ne cesse d'évoluer au contact de son environnement, décuple davantage son impact qu'elle ne répond à une contrainte.
Voilà la clé. Par son positionnement singulier au milieu d'un ensemble d'acteurs souvent différents et parfois opposés, elle a compris avant les autres que l'efficacité collective passerait de moins en moins par l'autorité et de plus en plus par l'influence, et que les logiques antagoniques de périmètres distincts finiraient bientôt par le céder à la dynamique d'un territoire commun.
Voyez ce que dit là-dessus la recherche en psychologie sociale : cette capacité de conviction et d'entraînement tient pour une part non négligeable au fait que ce qui définit une relation non hiérarchique, ce n'est pas le pouvoir mais la liberté, ce n'est pas la contrainte mais l'envie. Or seules la liberté et l'envie conjuguées peuvent à la fois permettre une confrontation stimulante des arguments et faire émerger le désir personnel de s'engager.
Sur ce terrain et à condition qu'elle soit menée avec diplomatie et dans un cadre managérial cohérent, la capacité de la fonction à mener avec tous des échanges informels s'avère décisive : cette capacité lui permet d'apporter à la substance parfois attendue de canaux installés ou d'échanges plus ritualisés dans la vie de l'entreprise une matière vivante qui peut faire une véritable différence.
La communication n'a donc évidemment pas autorité pour dire ce qu'il convient de faire techniquement dans tous les domaines - et, dans son périmètre-même, elle gagne d'ailleurs à faire en sorte que ses choix soient régulièrement challengés par les autres acteurs. Par son positionnement original au milieu de l'entreprise, la qualité de son écoute et par son rôle naturel de mise en relation des acteurs, elle est en revanche parfaitement fondée à porter une dynamique collective de progrès.
En somme, la primauté de l'influence sur l'autorité qui a pu être perçue comme une faiblesse originelle lui confère aujourd'hui, par une sorte de ruse de l'histoire, une nouvelle puissance collective.