Après une longue journée à tenter de négocier que les Genevois sans diplôme, que les Genevois qui ont décidé de changer de projet professionnel, que les Genevois accidentés de la vie, que les Genevois pris dans un système social et économique décapitant… que tous ces Genevois aient droit à un travail décent au même titre que n’importe quel citoyen suisse (ou étranger) intégré dans la législation de l’Etat de Genève, de la Ville de Genève, de la Confédération Helvétique…
Et bien, après des heures à tenter tout cela, je découvre que mon rétroviseur est orné d’un superbe autocollant manuscrit dont la prose est autant farcie d’anonymat qu’une dinde de marrons. Citation :
« Français, va semer la merde chez toi !
Tu voles mon travail,
Tu voles mon parking,
Tu pollues ma ville ! »
Alors, de mon humble place, si je pouvais simplement conseiller à cette personne d’user de l’encre à faire valoir les droits fondamentaux des citoyens genevois ; vous savez, ces fameux jeunes montrés du doigt par la presse et qui pourraient vite être considérés comme « profitant mesquinement d’une aide sociale »…
Si je pouvais lui conseiller de s’offusquer largement plus des lenteurs décisionnelles qui empilent comme des cadavres dans le charnier du chômage, des personnes qui aspirent plus que tout au monde à retrouver un travail…
Si je pouvais lui conseiller d’écrire un moratoire et de l’envoyer à la presse ou/et de proposer une initiative pour qu’on accepte enfin et réellement de considérer l’expérience professionnelle comme un atout souvent plus efficace qu’un diplôme…
Si je pouvais lui conseiller d’arrêter de s’user à repérer les frontaliers pour mieux entrer dans une sorte de délation stupide qui voudrait culpabiliser…
Si je pouvais lui conseiller d’arrêter de s’éreinter sur un faux-prétexte confortable qui l’empêche de regarder la réalité en face : un système qui tend toujours plus vers l’élitisme socio-professionnel démultiplie forcément le nombre de personnes qui ne peuvent pas suivre cet élitisme, donc démultiplie forcément ce que certains parmi ses collègues idéologiques appellent la déchéance socio-professionnelle… ce que moi, j’appelle simplement le droit à vivre décemment dans sa ville, dans son canton, dans son pays.
Je ne fais pas votre travail, je fais mon travail. D’ailleurs, peut-être avez-vous simplement commis une toute petite erreur : celle de confondre un frontalier avec un consommateur français qui vient acheter des produits suisses, et faire marcher l’économie suisse ?!
Et puisque vous évoquiez la pollution dans votre billet doux, sachez qu’il m’a fallu utiliser du white spirit pour retirer les quelques restes de colle de votre autocollant.
-