Georges Djen, fondateur et dirigeant de l’un des titres les plus “solides” de la presse “grand public” consacrée au poker, LivePoker, s’exprime en toute liberté dans nos colonnes. Il parle aussi de la room qu’il vient de créer… Un entretien publié dans le nouveau numéro d’IGA Magazine:
LivePoker, que vous avez créé et que vous dirigez, est leader du secteur en matière d’image. Quelles sont les recettes de ce succès?
Elle se résume en un mot tout simple: la passion. C’est également le maître mot de toute la rédaction, et ce depuis les débuts en 2006. Je pense que LivePoker réunit la plus belle équipe de passionnés du poker en France.
Comment votre titre a-t-il évolué depuis l’ouverture du marché? Avez-vous moins, autant ou plus d’annonceurs publicitaires qu’avant? Pour un chiffre d’affaires global en baisse ou en hausse?
J’ai lancé ce magazine en juin 2006 et nous étions pendant plus d’une année durant uniquement deux acteurs (avec Poker magazine) à nous partager le marché. Il est clair que le partage du lectorat était plus simple et très avantageux. Aujourd’hui, la concurrence est plus nombreuse et malheureusement pour le lecteur pas toujours professionnelle. Quelques éditeurs ont “senti” la bonne affaire, mais ces publications ont disparu ou sont vouées à disparaître. Depuis 4 ans, il a dû se créer plus d’une dizaine de titres et seulement 2 ou 3 tiennent vraiment la route aujourd’hui. Sinon, les annonceurs nous suivent et le CA de la régie publicitaire est en constante hausse. L’annonceur est avant tout un lecteur, et il ne s’y trompe pas, il trouve dans LivePoker son exigence quant à la qualité du contenu.
Il règne une certaine opacité autour des chiffres de vente de la presse grand public consacrée au poker en France. Certains éditeurs annoncent des tirages de l’ordre de 30.000 exemplaires par numéro. Pourtant, les messageries de presse indiquent, officieusement, qu’aucun titre ne se vend à plus de 10.000 exemplaires par numéro… Certains étant en deçà des 5.000 exemplaires. Pourquoi pas plus de transparence?
Les tirages sont réellement de 30.000 exemplaires et plus, mais le système des messageries en France fait que le taux d’invendus est toujours assez surprenant. Il faut en effet que chaque kiosque soit bien alimenté pour espérer vendre la moitié des exemplaires fournis. Nous sommes tenus par la loi à détruire nos invendus. En ce qui nous concerne, nous avons su construire un lectorat très fidèle au cours des années, qui s’y “retrouve”, avec des rubriques récurrentes et toujours des petits plus novateurs. Je vous rassure, nous vendons à bien plus de 5.000 ex. et avons, qui plus est, une solide base d’abonnés. De toutes les façons, il n’est pas économiquement viable de ne vendre qu’une petite partie de son tirage, d’où la disparition de certains titres.
La presse consacrée au poker n’est-elle pas réservée aux débutants, tant il est vrai que les vrais passionnés suivent les résultats des tournois sur Internet et lisent des livres pour améliorer leur jeu?
La presse consacrée au poker suit exactement les mêmes évolutions que la presse en général. On peut retrouver dans tous les domaines, l’actualité sur Internet, à la radio et encore bien plus à la télé. Et pourtant, le lectorat papier continue d’exister. Car seule la presse permet de réunir toute l’info de manière synthétique et réfléchie; seule la presse papier donne de véritables rendez-vous avec ses rubriques attendues. Le Net a bien évidemment révolutionné l’info, mais l’immédiateté de ce média aux avantages incroyables ne permet pas d’imprimer les mémoires.Qui se souvient du dernier vainqueur de la finale de l’EPT Monaco? Seul le lecteur papier qui par habitude conserve ses magazines va retrouver cette info, il va également retrouver les moments forts du tournoi, des différents sides mais également les mains décryptées par les grands champions lors de cet événement.
L’image de la presse poker grand public reste médiocre sur les forums spécialisés. Comment expliquez-vous cela et comment tentez-vous de redresser la barre?
Les forums spécialisés sont très fréquentés par les vagues successives de jeunes joueurs online. Ces générations de joueurs évoluent au cours du temps se succèdent et se remplacent. Eux-mêmes découvrent le poker à travers Internet et les programmes télévisés, puis quand ils deviennent de véritables passionnés, ils deviennent lecteurs de nos magazines.
Vous aimeriez passer pour une sorte d’agence Reuters du poker… Mais votre présence sur le Web est encore très modeste et votre magazine n’est que mensuel. Comment faire de cette ambition une réalité?
Notre présence sur leWeb est très loin d’être modeste. Livepoker.fr est aujourd’hui avec 1 ou 2 autres l’un des principaux sites d’actualité totalement indépendants. Sa fréquentation a littéralement explosé en 2010. Le site est le seul en France à apporter infos quotidiennes, coverages des plus grands events mais également plus de 5.000 fiches de joueurs avec leurs résultats quotidiens, calendrier des événements et classement exclusif. C’est à ma connaissance le seul site français qui rassemble autant d’outils et d’infos. D’autre part, nous fournissons encore du contenu “sous marque blanche” à d’autres médias moins spécialisés.
Vous ne proposez pas encore d’édition électronique, ni d’application iPad et iPhone… Cela est-il à l’ordre du jour?
Oui les deux applications sont en développement, mais dans un premier temps nous construisons la nouvelle version de notre site qui devrait voir le jour courant février.
Pour vous, spécialiste du poker, l’ouverture est-elle une réussite? Qu’est-ce qui vous semble plus positif qu’avant et qu’est-ce qui doit évoluer?
L’ouverture a été une véritable révolution, dans ce sens elle est une réussite puisqu’elle a permis au plus grand nombre de découvrir le poker online. Les budgets de com investis ont été colossaux. La communauté poker est bien évidemment déçue par l’aspect “cloisonné” des réseaux, mais nous avons tous été surpris par la taille du marché français et aujourd’hui de nombreux tournois MTT nationaux sont devenus incontournables.
Votre magazine, qui consacre de nombreux articles à des annonceurs publicitaires, peut-il être journalistiquement indépendant, et crédible?
Tous les domaines de la société sont représentés dans la presse et le poker n’est pas une exception. La mode ou l’automobile en sont un exemple probant où de la même manière, Chanel ou Dior, Renault ou Peugeot sont annonceurs et initiateurs de contenus. Il n’y a rien d’exceptionnel à cela et tous ces magazines restent indépendants. Chacun s’accorde le droit d’écrire qu’une voiture,
qu’une collection ou qu’un tournoi de poker n’est pas terrible, qu’une main n’est pas très bien jouée ou qu’une promo online n’a pas connu le succès attendu.
Vous êtes également opérateur, à travers le site PokerXtrem.fr. Est-il normal de conjuguer l’activité de média spécialisé avec celle d’opérateur?
Je dirai que cela dépend réellement de la personnalité de celui qui décide de conduire ces deux activités. Personnellement, j’avais bien réfléchi avant de me lancer dans l’aventure online. Et ma décision a été claire. J’ai cette faculté de partager mon cerveau en deux parties, celle de directeur de publication et celle d’opérateur. PokerXtrem.fr est un client comme un autre de LivePoker et de la même manière LivePoker est un média comme un autre pour PokerXtrem. Preuve en est notre présence chez mes concurrents directs comme PokerVip ou Poker 52.
Avez-vous créé PokerXtrem.fr dans le but de le revendre à un “gros” opérateur d’ici quelques mois ou quelques années? Sans ça, quel est votre objectif?
Notre seul but est de rendre PokerXtrem.fr un acteur dynamique et pérenne. Et comme toujours, seule la passion de ce jeu nous a poussés à lancer une room. Pour moi, le virage opérateur se présentait dans la logique des choses.
N’êtes-vous pas choqué par les sommes colossales dépensées en “lobbying” par certains opérateurs?
Je connais les sommes colossales engagées dans les budgets de communication par les gros opérateurs. En revanche, pour avoir nous-mêmes présenté un dossier d’agrément, je ne pense vraiment pas que des lobbyings quelconques aient pu influencer l’Arjel.
Quand vous observez l’évolution du poker à la télévision et l’émergence d’émissions “trash”, cela vous désole-t-il ou pensez-vous que plus l’on parle de poker, mieux c’est?
Je suis un vrai joueur de poker, ancien addict même. Seuls les beaux tournois du circuit qui sont retransmis et bien commentés m’intéressent.
Quels sont les projets de votre groupe? Allez-vous absorber certains de vos concurrents?
Je penserai plus à la synergie qu’à l’absorption. Il y a beaucoup de complémentarité dans ce domaine, surtout dans la partie médias. Nous sommes très forts dans le contenu, l’exclusivité et la création originale. Peut-être un peu moins dans le domaine de l’interactivité (forums). Il y a toujours à faire et à progresser, l’association peut être une solution.
Propos recueillis par Bastien Collins
IGA Magazine