Mi-septembre 2005
Me voilà à quelques jours du départ. Deux semaines de vacances pour voir si l'Afrique et moi-même on va arriver à s'entendre.
Mais d'abord le rendez-vous chez le médecin du voyage pour les vaccins. Je passe dans la salle de côté chez la dame à la seringue, elle n'a pas l'air effrayante, la seringue, la dame non plus d'ailleurs.
Aie.
7 Octobre 2005
Genève, puis Paris. Les choses sérieuses commencent. Tout se passe bien, l'hôtesse nous annonce que nous arrivons à Bamako pour notre escale, plus qu'une heure et Ouaga est à moi. Les portes de l'avion s'ouvrent, la chaleur extérieure s'y engouffre. L'odeur de l'air chaud entre à grands pas et prend ses aises. J'hésite, mes sentiments sont partagés, je me sens bizarre. Puis les portes se referment et l'avion repart.
Encore quelques minutes. L'excitation et l'angoisse se disputent la première place à l'intérieur de moi. Mon compagnon me prend la main, me rassure. L'Afrique de l'Ouest ce n'est pas la Tunisie, c'est au delà de ce qu'on peut imaginer, pour moi c'est l'inconnu.
L'annonce, puis l'atterissage final. Maintenant, je sais exactement qui a gagné, la boule de l'angoisse a pris toute la place.
Les gens se bousculent pour sortir, tout le monde pousse, comme s'il y avait quelque chose à gagner dehors pour les premiers sortis. Moi, j'essaie de rester calme, de retarder le moment de sortir. Mon compagnon m'embrasse sur la joue et me dit "tout ira bien mon amour". Sûrement mais la boule est toujours là, grandissante.
De nouveau, la même chaleur et la même odeur s'engouffrent dans l'avion, puis je sors. A Paris, il faisait 18° au départ, aux alentours de 15 h, à Ouaga, il fait 30°, nous sommes minuit. Un air chaud balaie l'air. Je ne m'attendais pas à cette douce torpeur qui m'envahit soudain. La boule disparaît, comme par enchantement.
A l'aéroport, la foule est dense, partout les gens parlent, crient, bienvenue en Afrique, au Pays des hommes intègres. Pour moi c'est le choc des cultures.
Un grand monsieur, imposant à la peau aussi noire que la nuit et une voix de baryton, s'approche de moi et me prend mon passeport. "Bonsoir, suivez moi, s'il vous plaît". Euh, je me tourne vers mon compagnon, il me sourit, il a compris. Moi je veux bien mais pourquoi je ne passe pas au comptoir comme tout le monde ?
Le comité d'accueil est là. Nous sommes les bienvenus et un peu privilégiés. Mon compagnon continue à sourire. On passe le portique de sécurité. Puis c'est la grande porte, celle par laquelle tout arrive.
Mon compagnon perd un peu de son sourire, je vois que ses souvenirs d'enfance remontent à la surface, il est heureux. Puis un énorme sourire apparaît de nouveau sur son visage, sitôt la grande porte ouverte. Je sens son coeur qui s'emballe.
Moi je suis intimidée, je regarde partout, pour me rappeler de ce moment, pour graver toutes ces choses que je vois dans ma tête à jamais. La chaleur s'empare de plus en plus de moi, il fait moite, mes habits collent à ma peau, mais bordel qu'est ce que c'est bon, je m'imprègne de cette odeur que je commence à aimer.
L'ami d'enfance de mon compagnon s'approche de nous. Je les regarde les deux, ils hésitent, il ne savent pas comment se dire bonjour. 15 ans, c'est long. Puis timidement, ils se serrent la main, puis s'enlacent. L'amitié n'a pas d'âge. Si j'avais été plus près, je suis sûre d'avoir pu voir quelque larme aux coins de leurs yeux.
Je me retourne encore une fois, je regarde autour de moi, les gens, l'aéroport, les bâtiments environnants.
J'ai du mal à y croire. Je suis enfin arrivée à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, le Pays des hommes intègres et je sais déjà que ce sera la plus belle expérience de ma vie.
Photo : personnelle.