23 janvier 2008
Les 80 ans de Jeanne
Une actrice dans le tourbillon de la vie
"On dit toujours qu'en vieillissant les gens deviennent plus renfermés
sur eux-mêmes, plus durs. Moi, plus le temps passe, plus ma peau
devient fine, fine... Je ressens tout, je vois tout", concède-t-elle de
sa voix inimitable lors d'une rencontre récemment avec la presse.
L'actrice
qui a fasciné Malle, Truffaut, Welles, Bunuel, Antonioni, reconnaît
avoir "été responsable très tôt". "Quand on n'est pas encouragé par ses
proches, il y a une détermination, une énergie", dit cette fille d'un
restaurateur et d'une danseuse anglaise "qui a toujours été considérée
comme une étrangère".
"Un antagonisme profond" la
sépare de son père, "un homme élevé par des parents du XIXe siècle" qui
supportait mal que sa femme lui échappe. "Ca m'a rendue enragée de voir
comment une femme pouvait se laisser malmener", confie-t-elle.
A 19 ans, après le Conservatoire,
elle fait ses débuts à la Comédie Française qui représente pour elle
"la discipline, l'exactitude". "Ca me convenait. J'aimais l'école
puisque mon père ne tenait pas à ce que je fasse de longues études et
qu'il m'imaginait fonctionnaire ou épouse d'un restaurateur". Sa
rencontre avec Louis Malle pour "Ascenseur pour l'échafaud" en 1957 est
déterminante. Un an plus tard, "Les Amants" (Lion d'Or à Venise) a été
"un cadeau de rupture". "Je suis toujours partie la première, je n'aime
pas être abandonnée", dit-elle. En plein chagrin d'amour, elle fait la connaissance
de Marguerite Duras, Margaux comme elle l'appelle. "Ce qui m'a attirée
vers elle c'était son roman "Les petits chevaux de Tarquinia" et comme
j'étais devenue une star, que je pouvais imposer le sujet, le metteur
en scène, l'acteur, je me suis dit: je vais rencontrer cette femme. Je
lui ai écrit, elle m'a reçue. Le même soir, j'ai rencontré Florence
Malraux. Notre amitié date de là".
Au fil des ans, elle travaille avec les plus grands
réalisateurs. "Tourner c'est entrer dans leur univers, c'est la
meilleure façon pour pouvoir incarner leurs fantasmes et grâce à eux
j'ai une famille incroyable de femmes qui sont en moi et
m'accompagnent". En 1961, "Jules et Jim" inaugure sa collaboration
avec François Truffaut. "On m'a prêté beaucoup d'aventures amoureuses
avec des metteurs en scène. Je n'en n'ai pas eu 36. Avec François ça
n'a jamais abouti, justement à cause de son amour des femmes, je ne
voulais pas être une parmi tant d'autres".
Elle se dit "mystique et frivole", capable de
s'enflammer et de s'angoisser pour le Darfour, mais aussi d'aimer
l'élégance et les belles choses.
Moderne avant l'heure, elle a toujours revendiqué sa
différence. "Les gens qui vous entourent peuvent vous faire remarquer
que vous n'êtes pas une grand-mère, que vous ne vivez pas en famille et
ce genre de choses. Mais la marginalité ne m'a jamais dérangée".
Jeanne Moreau compare la vie à un jardin, "un jardin
en friche qu'on nous donne à la naissance" et qu'il faut "laisser beau
au moment de quitter la terre".
Posté par va33 à 20:42 - Commentaires [0] - Rétroliens [0] - Permalien [#]