Petits luxes compromettants...
Michèle Alliot-Marie a utilisé un second jet privé lors de son périple tunisien à Noël. La ministre a confirmé et s'est défendue, à nouveau : « cette nouvelle polémique est totalement artificielle. J’ai dit dès mercredi dernier que avec monsieur Miled, j’avais à la fois rejoint Tunis à Tabarka et fait des excursions... je suis allée au port de Tabarka, dans un site archéologique et avec des amis nous sommes allés dans le désert... Quand je suis allée en Tunisie entre le 26 décembre et le 1er janvier il y avait des mouvements sociaux limités à deux provinces...au moment où j’y étais il n’y avait pas d’émeutes généralisées...» Sa défense est de moins en moins crédible. La ministre, comme son ancien collègue Eric Woerth, a une riposte bien maladroite, alternant démentis en bloc et aveux parcellaires. La première fois, elle expliquait que (1) son ami Aziz Miled, chef d'entreprise tunisien l'attendait par hasard à l'aéroport de Tunis, (2) que ce dernier n'est pas un proche du clan Trabelsi/Ben Ali, et (3) que les émeutes qui débouchèrent sur le renversement de Ben Ali n'avaient pas démarré.
Quelques jours plus tard, elle du reconnaître que la révolte tunisienne était si grave au point de voyager en avion pour l'éviter, sans apporter par ailleurs aucune explication sur la mise à disposition d'un jet privé pendant l'intégralité de son séjour. Quand à Aziz Miled, ses relations décennales avec le pouvoir Ben Ali ont également été détaillés dans la presse. Mediapart relève ainsi qu' « Aziz Miled peut en effet s'enorgueillir d'être l'un des rares entrepreneurs tunisiens à avoir été en affaires, dans la finance, le tourisme ou l'aviation, avec à peu près toutes les composantes de ce qu'il était convenu d'appeler le «clan Ben Ali». Que ce soit les familles Materi, Trabelsi, Chiboub ou Mabrouk. »
Nicolas Sarkozy apprécie tout autant les déplacements en avion que sa ministre. Pour se rendre à Bruxelles et assister à un sommet européen, à 300 kilomètres de Paris, il a utilisé deux avions : son gros Air Bus A330-223, acquis et rénové pour 176 millions d'euros, si gros qu'il est stocké à Evreux ; et un un second appareil, « un luxueux avion d’affaires » Falcon 7X au rayon d’action de 11.000 km. Lundi 7 février, le monarque est parti à Varsovie pour un sommet du Triangle de Weimar (Pologne - Allemagne - France), une rencontre initiée en 1991.
En avril dernier, Nicolas Sarkozy avait séché les funérailles nationales du président polonais, décédé dans un accident d'avion. Son Air Sarko One n'était pas prêt.
Justice enflammée
Les magistrats entament cette semaine leur mouvement national contre les provocations verbales de Nicolas Sarkozy, jeudi dernier à Orléans. La révolte est « inédite », note le Figaro. A droite, les réactions sont restées rares. Le Monarque paraît bien isolé. Dimanche sur Canal+, Patrick Devedjian, en disgrâce présidentielle depuis qu'il contrarie les ambitions népotiques du fils Jean dans les Hauts-de-Seine, a déclaré que la justice est à bout de souffle.
Quel constat d'échec ! Le député Eric Ciotti, qui s'est vu confier une mission sur l'application des peines par Nicolas Sarkozy lui-même, a semblé battre en retraite dans une interview au Figaro : « Le président de la République a eu raison d'indiquer que les dysfonctionnements qui a priori ont été relevés doivent être sanctionnés » mais, ajoute-t-il « les inspections (...) diront » s'il y a eu des fautes. Jeudi dernier, Sarkozy était moins prudent et plus catégorique. Sans attendre le résultat de ces fameuses inspections, il a lâché : « il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements graves. (...) Ces dysfonctionnements, j'ai demandé aux deux ministres, Michel Mercier et Brice Hortefeux, de les sanctionner. ».
Ciotti a suggéré qu'il « faudrait bâtir un plan Marshall pour la justice et la police, qui doivent être traitées globalement », reconnaissant qu'au « regard d'autres démocraties voisines, comme l'Allemagne, la justice française n'est pas à la hauteur.» En 2011, le budget de la Justice augmente de 4%, pour dépasser les 7 milliards d'euros. Mais ces augmentations ne suffisent pas à rattraper le retard français sur ses voisins européens : en 2008, la France était classée 35ème sur 42 pays européens par le Conseil de l'Europe. En 2011, la justice a gagné 80 millions d'euros supplémentaires, soit à peine la moitié du coût d'investissement et d'aménagement du superbe avion présidentiel.
Guerre de succession dans les Hauts-de-Seine
Les élections cantonales approchent. La semaine dernière, dans l'indifférence générale, Jean-François Copé a lancé la campagne de l'UMP. Dans le fief de Nicolas Sarkozy, les Hauts-de-Seine, la bataille fait rage. On se souvient de l'affaire de l'EPAD, quand Sarkozy père avait voulu imposé son rejeton Jean, toujours étudiant, à la tête de l'Etablissement Public d'Aménagement de la Défense, le plus riche quartier d'affaires de France. Devedjian avait ensuite refusé de céder sa place de président du conseil général au fiston Sarkozy. Crime de lèse-majesté !
La riposte s'est organisée en 4 temps, avec une hypocrisie et un cynisme politiques rares : (1) le couple Balkany, grands amis du Monarque - ils faisaient partie des rares invités à souffler les 56 bougies de Sarkozy à l'Elysée le 28 janvier dernier - attaquent Devedjian dans la presse; (2) des conseillers élyséens appellent un à un les électeurs de l'UMP locale pour dégager Devedjian de la présidence de la fédération départementale en novembre dernier; (3) Isabelle Balkany se présente contre Devedjian à la présidence du département ; (4) Jean Sarkozy la remplace.
Le Monde a d'ailleurs publié une lettre de 6 pages du Prince Jean, adressée le 31 janvier, à tous les conseillers généraux et maires de droite du département, où il décrit ses ambitions et priorités pour les Hauts-de-Seine : il propose « la stabilité fiscale pour les trois ans qui viennent », de « bâtir une véritable politique de l’adolescence », « d’aider au rapprochement des générations en aidant les familles », de régler « la question essentielle des modes de garde de la petite enfance », de « contribuer à l’emploi des parents », en généralisant les « espaces insertion » dans l’ensemble du département, et, pour accompagner le discours de Papa Nicolas, d'« assumer nos compétences en matière de prise en charge de la dépendance », et, enfin, d'« inverser la tendance » des difficultés croissantes d'accès au logement.
Avion, luxe et succession, Nicolas Sarkozy ne change pas.
Souvenez-vous en !