De la même façon qu’il est difficile de croire qu’une sardine puisse boucher le port de Marseille, il y a malheureusement peu de chances que le rapport 2011 de la Cour des comptes qui lui est consacré permette une normalisation de son fonctionnement au regard de la morale et de la loi.
Si le rapport accablant des magistrats de la rue Cambon (consultable ici ) n’est pas un scoop, il confirme les propos les plus invraisemblables qui circulent sur Marseille et son port depuis de nombreuses années.
Pas d’amalgame. Marseille n’est pas la France pas plus que la section locale CGT n’est représentative du fonctionnement du syndicat au niveau national. Pour autant, chaque fois que la CGT se trouve en situation de monopole ou de quasi monopole le risque de dérive est toujours le même, à l’image du syndicat du Livre, autre bastion historique cégétiste.
Marseille, c’est sans doute José d’Arrigo qui en parle le mieux. Ce journaliste de Nice Matin affirme que dans cette ville, pour réussir, il faut avoir son BAC : banditisme, affairisme, clientélisme. Le port constitue avec les collectivités locales les poumons de cet écosystème peu ordinaire. Il est surtout une parfaite une illustration de ce que peut être une dérive syndico-mafieuse.
La version provisoire du rapport que s’est procuré le Figaro, le rapport définitif sera publié le 8 février, ne manque pas de sel. Elle décrit un immense gâchis. Celui d’une infrastructure qui avait tout pour réussir (localisation, facilité d’accès) et qui malgré cela ne cesse de perdre de parts de marché en raison des conditions très singulières de “gestion des ressources humaines”.
La multiplication des conflits sociaux, ses intimidations et violences physiques, cachent une étrange forêt dans laquelle on travail peu et on est très bien payé. Au-delà d’un salaire mensuel moyen de 2700 € pour un ouvrier, la Cour épingle la situation des grutiers qui pour une durée de travail hebdomadaire de 12 à 14 heures perçoivent avec les gratifications des rémunérations entre 3500 et 4000 € nets. S’ajoute à cela de façon générale un niveau d’absentéisme préoccupant qui a augmenté de 19,4% sur la période 2004-2009.
La seule chose qui sauve le Grand port maritime de Marseille, c’est la rente pétrolière et les terminaux de Fos mais, pour combien de temps encore ? A force de pousser le bouchon de plus en plus loin dans un contexte de crise économique qu’elle donnent l’impression d’ignorer, la CGT du port scie doucement mais sûrement la branche sur laquelle elle est confortablement assise.
Difficile de croire au hasard. La publication du rapport provisoire par le Figaro intervient en plein conflit social au moment où la CGT formule des revendications sur la prise en compte de la pénibilité dans les métiers de la manutention. Se sentant aujourd’hui dans une position favorable à l’égard des syndicats, grâce à son succès dans l’adoption de la réforme des retraites, le gouvernement revient sur d’imprudentes promesses formulées quelques mois plus tôt aux personnels des ports.
La Cour des comptes n’est pas dupe et met tous les acteurs devant leurs responsabilités lorsqu’elle souligne “une volonté de réforme qui se délite trop souvent, notamment faute d’une détermination suffisante des autorités de l’État, face à une crise sociale et l’extrême tension qui l’accompagne“.
Des magistrats financiers qui ne demandent pourtant rien d’exceptionnel sinon que s’applique sur ce bout de terres marseillaises l’État de droit normal et la fin d’une politique de l’autruche de la part des autorités face aux dérives. En clair, un peu de courage.
Cinq ans après un premier rapport consacré au même sujet, la Cour constate que loin de s’être améliorée, la situation s’est dégradée et que ses recommandations sont restées lettres mortes. Qu’en adviendra-t-il de celui-là ? Les coups de menton parisiens sont-ils condamnés à demeurer sans effet face à des protections qui ne sont pas uniquement celles de la Bonne Mère ?