Gosick : gothique caustique

Gosick

Studio Bones, 2011
24 épisodes annoncés
L'histoire

1924, Kazuya Kujo débarque en Europe. Fils de militaire, il est travailleur, bien noté, et a pu profiter d'un programme d'échange pour aller étudier à l'Académie, l'école d'élite du Royaume de Saubure - un Etat situé entre la France et l'Italie. Mais les autres élèves l'accueillent avec méfiance : il est japonais, il n'est pas noble, et selon une croyance  locale, un garçon brun qui arrive au printemps est annonciateur de mort. Affublé du surnom de "faucheur du printemps", il se réfugie dans la solitude, et passe son temps dans la tour-bibliothèque de l'Académie. Il y fait la connaissance de Victorique de Blois, une jeune fille qui ne participe pas aux cours. Etrange jeune fille ! Ressemblant à une poupée, elle est petite et fait moins que son âge. Son demi-frère, Grevil de Blois, célèbre inspecteur de police, lui a interdit de quitter la bibliothèque, et vient lui demander des conseils lorsqu'il ne parvient pas à résoudre une affaire. Dotée d'une intuition peu commune, Victorique est capable de résoudre les énigmes les plus compliquées.

Justement, une étrange affaire vient de se produire : une célèbre voyante a été retrouvée assassinée chez elle, dans une pièce fermée à clef. Si Victorique résoud rapidement comment s'est déroulé le meurtre, le mobile reste une énigme... Victorique et Kujo, qu'elle prend comme assistant, s'embarquent (au sens propre) dans cette mystérieuse affaire...

Ce que j'en pense

Dès les premières images du générique, j'ai été séduit par l'ambiance soignée et colorée, directement inspirée des images du peintre tchèque Mucha (on voit même des images de la ville de Prague), donnant un cachet très art nouveau à l'anime. (Par-contre, c'est moi ou la chanson de générique ressemble beaucoup à celle de Gurren Lagann?) Pour vous convaincre, je vous propose de comparer les deux images ci-dessous :

Le générique, d'ailleurs, n'est pas que décoratif. Il contient des images annonçant bien des mystères à venir, visiblement en rapport avec le passé de Victorique. On voit successivement : un mystérieux personnage (acteur? magicien? bandit?), un autre homme qui emporte Victorique vers un château, un loup gris, deux petites filles (des jumelles?) flottant à la surface d'un lac, une sorte de sorcier ou de moine transpercé de flèches, un bâtiment qui ressemble à une machine volante... Tous ces éléments laissent supposer que les enquêtes sont un prétexte à découvrir progressivement le passé trouble de Victorique, et certainement de sa famille ; je ne serais pas étonné (en tous cas j'espère) que l'on se dirige vers une série plus complexe, où Victorique ne serait pas l'enquêtrice, mais le sujet central de l'enquête...

Les trois premiers épisodes sont d'ailleurs une introduction à l'univers de Gosick, et constituent un premier "arc" autour d'une enquête, assez aventureuse. Je dois dire qu'en dépit des apparences, Gosick ne me fait pas du tout penser à Sherlock Holmes, et ce malgré le gimmick de Victorique "fumant" une pipe à la façon du détective. Pas non plus à Agatha Christie, ni aux autres séries de détectives à l'ancienne. Non, s'il faut vraiment trouver une référence, Gosick m'a plutôt fait penser à Rouletabille, et à Fantômas, pour le côté rocambolesque, aventureux, pas toujours vraisemblable, et pour l'arrière-plan lié à la Guerre 14-18, toute récente (l'histoire se situe en 1924).

L'univers de Gosick est une reconstitution typiquement japonaise d'une vieille Europe idéalisée, comme on la voit aussi chez Miyazaki par exemple (Kiki, Porco Rosso...). L'invention du Royaume de Saubure est la bonne idée de l'histoire, et son existence, bien qu'uchronique, n'est pas si invraisemblable.

En effet, le royaume de Saubure est situé géographiquement entre la France et l'Italie, à l'emplacement de l'ancien Etat de Savoie (état indépendant incluant le Duché de Savoie, Aoste, et le Comté de Nice). L'Etat de Savoie fut partagé entre la France et l'Italie en 1860, lorsque Victor-Emmanuel, dernier Duc de Savoie, monta sur le trône de l'Italie unifiée. En v.o., Saubure s'écrit Sovuuru. Si ce n'est pas la Savoie, alors c'est quoi... 

A Saubure, et donc à l'Académie, on parle français comme en Savoie (à noter que Victorique compte en français à un moment de l'épisode 5 de la vost). La cohérence linguistique (si on peut dire) est soulignée par des détails comme les titres des livres ou des journaux, en français correct. Les décors, souvent splendides, se concentrent sur l'Académie, curieux ensemble architectural évoquant plutôt l'Europe centrale (Bohème? Autriche-Hongrie?) que la France ou l'Italie. Peut-être à cause de la tour ci-dessous à gauche, avec sa flèche qui est une réplique de Notre-Dame de Tyn à Prague.

Générique, décors, références picturales et géographiques, tout cela dénote une  vraie direction artistique, créative et originale, agréable à regarder. Et à entendre : la musique, de style symphonique, est très chouette. En revanche, l'invraisemblance de certaines situations, et des ficelles scénaristiques assez grosses, gâchent ma première impression favorable. Ce n'est pas tant la facilité avec laquelle Victorique résoud les énigmes (ce que je trouve plutôt amusant) que l'enchaînement des rebondissements qui me laisse dubitatif. L'épisode du paquebot, réussi sur le plan de l'atmosphère, manque malheureusement de cohérence pour que j'y croie. Pour ne rien dire de son dénouement, au troisième épisode, historiquement absurde.

Heureusement, les personnages sont l'atout principal de Gosick. Kazuya Kujo n'est peut-être pas le garçon le plus charismatique que j'ai rencontré, mais il tient bien son rôle de faire-valoir pour l'étonnante Victorique de Blois. Kujo possède quand même des caractéristiques intéressantes, il n'est pas très vif, mais courageux et sincère, et Victorique l'adopte très vite (même si elle le rabroue régulièrement). Kujo souffre d'être différent  des autres élèves de l'Académie, qui le rejettent. Mais il garde son bon esprit et ça le rapproche de Victorique. Nul doute qu'il va évoluer au cours des prochains épisodes.

Victorique est une vraie héroïne romanesque. Au-delà de son look de lolita gothique, un peu facile, elle séduit par son caractère fort et par son étrangeté. La voix grave contraste avec son apparence fragile. Quand elle ne fait pas la tête (ce qui lui arrive souvent), et qu'elle ne balance pas des réflexions caustiques sur le pauvre Kujo, elle se laisse aller à des confidences sur sa situation ou son passé, tels que "je suis un princesse captive... mais cela ne me convient-il pas?" Son comportement peut-être comique, voire touchant, comme lorsqu'elle prend le train, ou qu'elle sort en ville, ce qui semble pour elle un évènement. Mais ce qui la caractérise, ce sont aussi ses angoisses, de plus en plus visibles. Elle craint par-dessus tout l'ennui et le désordre, et sa façon de résoudre les énigmes sont sa manière de les combattre.

Grévil de Blois est un playboy snob et prétentieux, à la voix emphatique et au comportement futile et arrogant. Son look exagérément travaillé (sa mèche de cheveux!) en font le personnage ridicule de la série, contrepoint burlesque au sérieux de sa demi-soeur. Je me demande si son côté expansif n'est pas forcé, et qu'il ne cache pas quelque chose de plus profond. A voir...
Cécile Lafitte, une prof de l'Académie, toujours souriante, est pour le moment le seul personnage récurrent de l'environnement scolaire de Kujo. Elle lui porte une affection de grande soeur, et se plaît à imaginer une attirance de Kujo pour une autre élève, qui arrive à l'épisode 4, Avril Bradley. Celle-ci est très jolie, et voue à Kujo un intérêt trop démonstratif pour être sans arrières-pensées...

Petit à petit, les choses se mettent en place entre les différents personnages. Après l'introduction des trois premiers épisodes, les indices se multiplient aux deux suivants et laissent présager une intrigue plus construite, en tous cas je l'attends avec curiosité. En attendant, pour se faire plaisir, une dernière image, splendide, tirée du générique de début, à la fois pleine de mystère et d'évasion :

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