1-Emmanuel Giboulot : faisons connaissance…
Comment êtes-vous arrivé dans le monde du vin ? Est-ce fortuit à l’origine ? Avez-vous repris une entreprise familiale ?
Oui, j’ai commencé vigneron avec une famille où il y avait une tradition viticole mais où la vigne n’était plus très présente. J’ai repris un domaine familial que mon père gérait s’investissant d’ailleurs davantage dans une activité de polyculture-élevage avec une petite activité vigne ; il était agriculteur avant tout avant d’être viticulteur.
J’ai baigné dans ce milieu, et j’ai vécu de près la période de reconversion des années 1965-70, qui est celle du passage d’une agriculture dite intensive à une agriculture biologique.
A ce moment-là, j’étais adolescent ; mais je m’intéressais à l’agriculture quand même. J’étais jeune quand il a commencé à travailler bio. Je ne comprenais pas grand’chose à ce qu’il faisait au sein de sa ferme – ses visites, ses rencontres qu’il organisait.
Quand j’ai repris le domaine, j’ai été amené à rencontrer un ensemble certain nombre de personnes et je suis allé à des stages avec lui où on racontait déjà sur la biodynamie. Lui a commencé en 1970 cette démarche, il a fait partie des pionniers dans la région de Bourgogne, un des premiers à apporter cela. Moi, j’ai développé mon domaine et en 86 je suis passé entièrement à la biodynamie sur une année.
Je suis natif d’un village limitrophe de Beaune, Combertault, et qui est une zone de bas-de-côte où la vigne était présente. Mon grand-père maternel avait des vignes dans ces bas-de-côtes, 1 ha, à la porte de Beaune. Mais elles étaient destinées aux vins de table. C’étaient des vignes hybrides, qui ont été arrachées vers les années 70.
Cependant, dans les années 40/50, il y avait de très belles réussites en matière de vins de table, dans cette région. D’ailleurs les gens en vivaient très bien car les cépages hybrides étaient très généreux et donnaient de bons rendements.
Mais mon père savait qu’il n’y avait pas de grand avenir dans les vins de table (on en faisait partout ; y compris d’Algérie), aussi s’est-il orienté vers Pommard où il a essayé acheter un domaine, mais hélas, il est décédé entre temps.
J’ai commencé à faire de la vigne en prenant une parcelle dans la commune de Beaune, dans la montagne de Beaune.
J’ai commencé avec une vigne en 1985 avec très exactement 1.07 ha dont 80a plantés, une vigne où il manquait un pied sur deux.
Mon père avait lui un hectare en appellation Bourgogne dans cette zone de bas-de-côte.
Les bas-de-côte, et encore aujourd’hui, ont une connotation assez péjorative, et d’autre part j’avais une méthode de travail des vignes pas très reconnue à l’époque, être en bio dans les années 80, ce n’est pas reconnu mais c’est surtout très critiqué.
Mon apprentissage du métier s’est fait petit à petit. Il m’a fallu cinq à six ans pour racheter une deuxième parcelle de 38a, puis encore cinq ans pour en avoir une autre
Donc, en tout, il m’a bien fallu une douzaine d’années pour que mon domaine ressemble à quelque chose en terme de surface, et de qualité.
La première
fois que j’ai pressé ce raisin blanc (celui de La Grande Châtelaine), bien que
je sois allé à la faculté d’oenologie, je n’avais jamais vu de raisin blanc. Je
m’attendais à avoir un vin blanc.
Or, tout vigneron sait que la presse d’un vin blanc est chargée, et plus ou moins colorée (jaune, marron…)
Pour dire que j’ai démarré sur des choses très basiques.
Le chemin des années est donc très intéressant car vous vous intéressez beaucoup plus à tout ce qui passe à votre portée.
Quand vous êtes mal né, cela prend plus de temps, et plus attentif à tout ce qui se passe autour de vous, aux autres. Cela suscite beaucoup d’intérêt pour les autres, et donc pour les échanges, les échanges techniques.