Je pensais justement retrouver plus ou moins, dans ces nouvelles, une réflexion sur cette thématique de l'ancrage africain. Par le PANAF, les Afriques se sont retrouvées dans les rues d'Alger, par les folklores, par différents spectacles musicaux, expositions et rencontres littéraires, j'imaginais que cette nécessité d'enracinement sur une terre africaine, qu'elle fut nord-africaine ou subsaharéenne, allait transparaitre.
Mais ce ne fut pas vraiment le cas ou plutôt je ne l'ai pas ressenti comme tel.
Des personnages qui semblent déracinés reviennent dans cette ville d'Alger et tentent de retrouver des lieux et des repères. Ils sont partis, ils reviennent, leurs avions atterrissent, ils ne font que passer, chargés de leurs histoires d'ailleurs qui leur donnent un regard nouveau. Yahia Belaskri, Kebir Mustapha Ammi.
D'autres ont bourlingué. A la recherche d'un amour, d'eux-mêmes ou encore en raccompagnant une bande de romanciers pétris de savoir et de suffisance, ils ont fait le tour de l'Afrique, enfin le quart de tour. Sous la plume du nouvelliste qui entreprend cet exode, on sent la connaissance ou la méconnaissance de l'autre, la capacité de le mettre en scène dans une fiction cohérente ou pas. Hamid Skif, Anouar Benmalek.
Celle qui a la part belle dans cette affaire, c'est finalement Alger. Que ce soit par cette relation passionnelle qui la lie avec certains de ces auteurs natifs que parfois on a le sentiment qu'elle a vomi ou encore avec celles et ceux qui passent, transitent, viennent festoyer le temps d'un festival. Ibrahima Aya, Eugène Ebodé ou Tanella Boni tentent avec un certain succès de faire vivre Alger sous leur plume, donnant la parole aux petites gens,à leurs croyances,à leurs délires, renvoyant le lecteur dans les méandres d'une histoire fantasmée d'Al Mahroussia.
En bouclant ce recueil, mon avis est que les textes qui m'ont le plus touché sont ceux qui parlent de la rencontre. Ceux qui reconnaissent qu'il y a peut-être des fossés d'ignorance à combler, un temps de découverte qui dépasse le cadre d'un festival. Un échange qui permet de mettre à nu un passé souvent fait de razzias et de traites. Passé qui conditionne de nombreux comportements, dicte des regards, empêche l'union comme celle tue qui constitue la chute de la nouvelle d'Hamid Skif. Dans cet esprit, je trouve que les nouvelles d'Alain Mabanckou et de Sami Tchak sont une entame de ce dialogue, une entrée dans un tunnel poussiéreux mais incontournable. C'est là, l'ancrage d'un dialogue à poursuivre...
Ecoutons le poète Gabriel Mwènè Okoundji parlant de l'Afrique :
Etoiles du ciel, cette maison est notre TerreDu nord au sud elle n'est plus à vendreJamais l'histoire ne se répétera! Cette maison est notre TerreElle n'est pas à vendre, ni à l'est ni à l'ouestLa parole est notre mémoire, attention aux escrocs!
Bonne lecture,
Ancrage africain1ère parution en 2009, APIC Editions, 252 pagesKebir Mustapha AMMI, Ibrahima AYA, Yahia BELASKRI, Anouar BENMALEK, Tanella BONI, Eugène EBODE, Alain MABANCKOU, Gabriel Mwènè OKOUNDJI, Hamid SKIF, Sami TCHAK.
Avis complémentaires : Newscribe, Infosoir
Page 201, Editions Apic