Les fous sont nus

Publié le 06 février 2011 par Badiejf

La société haïtienne est tellement forte au plan de la cohésion sociale, que j’émets l’hypothèse qu’il y a ici beaucoup moins de problème de santé mentale que dans mon Québec natal. Une hypothèse bien évidement impossible à confirmer. Prenez le suicide par exemple, la société haïtienne ‘semble’ en être exempte. De la même manière, on entend à peu près jamais parler de personnes qui confrontent une dépression, un burn-out. Je ne parle pas ici des services de psychiatrie qui sont bien évidement dans un état que l’on ne pourrait même pas qualifier d’embryonnaire. Deux hôpitaux psychiatriques situés à PAP et ... zéro pour le reste du pays. On compte probablement les professionnels (psychiatres et psychologues) sur les doigts de deux mains et de deux pieds. En fait, seuls les patients atteints du VIH et pris en charge par un programme financé par bailleur, ont un réel accès à des services de santé mentale. Ici, malheureusement, il y a peut-être trop de bénéfices secondaires à être atteint du VIH ? Bagay la aura au moins permis une certaine prise de conscience des enjeux de la santé mentale dans la population. Des campagnes de promotion et des services offerts dans les camps par des ONG participent à décloisonner cet aspect de la santé du carcan du ‘ce n’est pas pour moi’. Le Ministère de la santé commence même à réfléchir plus sérieusement cet aspect de l’organisation des services. La nudité est l’une des caractéristiques facilement observable des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, disons plus lourds, ceux qui impliquent une forme de délire ou d’entrée dans un monde parallèle. PAP compte en effet quelques personnages qui errent librement et nu dans ses rues. Sur le haut de Delmas, juste avant d’arriver au cimetière de Pétion-Ville, il y a cette femme qui déambule entre les voiture, lentement et sans itinéraire apparent. Cet homme qui arpente sans arrêt Lalue jusqu’à la Panaméricaine. Sa démarche est aussi rapide qu’elle semble décidée, on pourrait penser qu’il se dirige à un rendez-vous. Celle qui s’est fait une petite vie sur la route de Bourdon dans les bosquets qui longent les bureaux de la Primature. Cette dernière qui, simplement, fait des alentours du palais sa chambre à coucher. Il y a quelque chose de beau et de doux dans ces nudités. Une individualité sans habit dont toute la vie se passe à l’intérieur, dans la tête. Le monde extérieur n’existe plus, pourquoi s’en protéger ?