Infusion sévignéenne

Par Apollinee

     

Notre High Tea de ce jour plongera de 340 ans exactement, au chevet d'une marquise (de Sévigné) en pleurs: deux jours plus tôt -le 4 février 1671 - Françoise de Grignan, sa fille chérie, s'en est partie rejoindre son François de mari, Lieutenant général de Provence. L'ambiance ne se prête guère aux effustions de joie.

"Ma douleur serait bien médiocre si je pouvais vous la dépeindre ; je ne l’entreprendrai pas aussi. J’ai beau chercher ma chère fille, je ne la trouve plus, et tous les pas qu’elle fait l’éloignent de moi. Je m’en allai donc à Sainte-Marie, toujours pleurant et toujours mourant. Il me semblait qu’on m’arrachait le cœur et l’âme, et en effet, quelle rude séparation ! je demandai la liberté d’être seule. On me mena dans la chambre de Mme du Housset, on me fit du feu. Agnès me regardait sans parler ; c’était notre marché. J’y passai jusqu’à cinq heures sans cesser de sangloter ; toutes mes pensées me faisaient mourir. J’écrivis à Monsieur de Grignan ; vous pouvez penser sur quel ton. J’allai ensuite chez Mme de la Fayette, qui redoubla mes douleurs par la part qu’elle y prit."

A Paris, vendredi 6 février [1671]

Extrait de Madame de Sévigné - Correspondance (I) (mars 1646-juillet 1675) - texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne, Gallimard, La Pléiade  (1972)