La première trace écrite sur le thé
J’aurais pu évoquer l’épopée du thé, sa conquête du monde, son rôle dans des guerres aussi éloignées que celle des boxers (1840-57) et de la révolution américaine (1776), les courses folles des clippers convoyant les échanges entre thé et opium. J’aurais aussi pu tracer les routes du thé depuis ChengDu ou KunMing et XiShuangBanNa vers DêQen, BamDa, ou encore souligner les qualités médicinales du thé, contre le cholestérol, le cancer, selon les études recensées par le département du thé de la FAO.
Cependant, au-delà de sa culture, de sa cueillette, de ses propriétés curatives, cette liqueur a d’autre vertu : c’est une façon de se connaître, par la méditation, un état, une façon de communiquer avec le monde céleste. Le thé contient l’énergie spirituelle de la nature et apporte le rayonnement de la sérénité. Il est en harmonie avec les recherches de la voie et de la vertu, celles d’exploiter ses ressources de paix, d’acquérir l’expérience suprême par le biais de la concentration. Peu importe, dès lors, ce qui se passe autour de soi. Avec le thé, on s’initie aux plaisirs silencieux de la vie, où l’entité humaine se fonde dans son environnement naturel, dans le Tout, sans divorce entre la personnalité humaine et le cosmos ( contrairement à la pensée européenne depuis l’époque pré socratique ).
Comme le Tao, il est une démarche visant à circonscrire une expérience, elle-même trop vaste pour pouvoir se couler dans le moule étroit du langage ; l’héraldique de ce langage sert alors à témoigner de son existence. La raison raisonnante disparaît : ‘ C’est en faisant de la beauté une chose à part que nous définissons la laideur ‘. C’est pour cette raison que le sage, donc le Maître de thé, ne se préoccupe que de ce qui n’entraîne aucun préjugé.
Allons à cette quête.
Une légende affirme que le thé est très ancien. Le roi KingWen, fondateur de la dynastie Zou, aurait déjà reçu du thé comme tribut, comme l’atteste ChangJu, dans son livre Traité sur le Royaume de HuaYang, qui date d’environ de 347 après J.C.
En 350, le thé est une boisson si connue qu’elle est consignée dans une encyclopédie ErRya, dont la première publication eut lieu 600 ans plus tôt.
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1)Le thé est mentionné pour la première fois par Soleyman (dont Sindbad s'inspirera), marchand syrio-grec incontournable également pour la route de la soie et la description des musulmans chinois (851).
2)Il faudra ensuite attendre 1529 et le vénitien Giambattista Ramusio qui cite les propos que lui a tenu un perse -Haj Mohamed- à propos d'une herbe bonne pour l'estomac. Les deux noms, syrien et perse, attestent l'importance des villes caravanières de l'Asie Centrale dans le commerce international de l'époque.
3)En 1765, le jésuite Louis Almeida, puis Maffei, 23 ans plus tard, mentionnent le thé, tout comme Matteo Ricci l'avait fait en 1578. Pour lui, l'amertume tempérée du thé n'est pas d'un goût désagréable.
La première description du thé
1)Elle est d'un certain Kaempfer en 1712.
2)En 1753, dans son ouvrage Species Plantarum, Linné donne au théier le nom de théa sinensis mais il mentionne aussi les noms de thée de Kaempfer et de chaa de Baudhin.
On appela alors Camellia vividis le thé vert et Camellia bohlia le thé noir.
3)Il fallut en effet, attendre que Robert Fortune prouve en 1843 que thé vert et thé noir sont obtenus à partir du même plant et que le résultat ne dépend que des transformations subies par les feuilles après la cueillette.
En fait, si les botanistes occidentaux s'intéressaient au thé, c'est pour en percer le secret. Sa valeur dut être reconnue autour de 1610. Il se vendait à prix d'or dans les herboristeries allemandes ou hollandaises.
En Angleterre, c'est au XVIII qu'il devint une institution.
Linné lui-même tenta à plusieurs reprises d'en ramener ( ou d'en faire ramener ) en Europe. Finalement, il réussit à ramener un plant en Suède en 1763, mais le secret de la fabrication lui demeurait inconnu
L'importation du thé coûtait très cher à l'Europe et spécialement à l'Angleterre. A titre d'exemple, elle en importait 4,5 millions de tonnes en 1769. Finalement, elle réussit à équilibrer son déficit commercial avec la Chine en la contraignant d'importer de l'opium indien ( au nom des bons sentiments - pour que l'Inde se nourrisse ) alors même que la Chine en cultivait depuis longtemps dans le SiChuan.