Enseignement de ptahhotep - prémices 3 : émile prisse d'avennes

Publié le 05 février 2011 par Rl1948

   Nous nous étions quittés vous et moi, souvenez-vous amis lecteurs, samedi dernier, avec pour objectif futur d'entre autres expliquer la dénomination Papyrus Prisse accordée par les égyptologues au plus important document contenant l'intégralité de l'Enseignement de Ptahhotep que je me propose de vous donner à lire, en partie à tout le moins, les prochains samedis.

   Achille Constant Théodose Emile Prisse d'Avennes (1807-1879) n'a que 20 ans quand, se joignant à une pléiade d'experts, ingénieurs comme lui, mais aussi techniciens, militaires et conseillers étrangers, essentiellement français, il  arrive à Alexandrie aux fins de participer, sous la férule du vice-roi d'Egypte Méhémet Ali, au redressement de l'économie et au développement général dans le sens d'une modernisation que ce dernier entend imprimer à son pays.

   Même si à quelques mois près, cinq années auparavant Jean-François Champollion le Jeune découvrait le sens des hiéroglyphes, rien, au départ, ne destinait le jeune ingénieur d'Avesnes-sur-Helpe à s'intéresser  véritablement à l'égyptologie : car ce ne sont que des propositions de travaux d'hydrographie - création d'un canal qui aurait dû relier Alexandrie au Caire, construction de ponts suspendus sur le Nil - que, dans un premier temps, il soumit au Pacha. Aucun de ses projets, en ce compris celui qu'il envisagea par la suite pour le transport, jusqu'à la Place de la Concorde, à Paris, de l'obélisque de Ramsès II que le souverain égyptien offrait à la France pour exprimer sa reconnaissance eu égard aux travaux philologiques de Champollion, n'eut l'heur d'aboutir.

   En outre, le khamsin tourne ! En 1836, Méhémet Ali entreprenant une restructuration de l'administration, se départ de nombre de Français qu'il avait pourtant précédemment accueillis bras ouverts. C'est l'opportunité que saisit l'Avesnois pour "changer de vie" : à presque trente ans, Emile Prisse devient Edris Effendi ; l'élégant jeune ingénieur du Nord va se muer en explorateur, en archéologue, en égyptologue et, vêtu  en Oriental, il décide de visiter la terre des pharaons.   

   Mais à la différence de la grande majorité de ces hommes du XIXème siècle pour lesquels le Voyage en Orient et, plus spécifiquement selon la formulation de l'époque, le Voyage d'Egypte, constituait une étape obligée d'un parcours de vie ; ou de ceux qui n'y verront qu'un moyen de s'enrichir en pillant puis revendant à l'étranger les richesses archéologiques des rives du Nil, Edris Effendi que les travaux de Champollion ont définitivement convaincu de rallier l'égyptologie naissante, sillonne le pays dans un esprit éminemment encyclopédique : certes, il s'intéresse aux vestiges antiques - comment d'ailleurs les ignorer ? -, mais en faisant également la part belle à l'ethnographie, à l'anthropologie, à la minéralogie aussi, sans oublier la civilisation arabe qu'il découvre et dont il admire les monuments.

   Ce seront alors notes manuscrites, relevés, plans, croquis, calques, estampages, aquarelles, photographies de l'Egypte antique et de la contemporaine, pris in situ qui, huit années durant, matérialiseront à profusion ses déambulations du Delta à la Nubie et alimenteront par la suite des publications qui marqueront du sceau du progrès la balbutiante science égyptologique. Sans oublier de mentionner - apport non négligeable à l'Histoire littéraire -, que ses notes et dessins inspireront notamment son ami Théophile Gautier pour la composition, en 1858, de son Roman de la momie.  

     Et ce seront également la "Chambre des Ancêtres", du temple de Karnak, sur les murs de laquelle l'on voit Thoutmosis III  rendant hommage à soixante et un des souverains qui l'ont précédé sur le trône d'Egypte (E 13481 bis) ; un bas-relief (E 13482 ter) d'Amenhotep IV faisant offrande à Aton ; une stèle dite "de Bakhtan" (C 284), ainsi qu'une cuillère à fard (E 8025 bis) qui quitteront les rives du Nil pour entrer dans les collections du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.  

   Enfin, dernier élément mais non le moindre de la "maigre" provende qu'il ramène d'Egypte, un rouleau de quelque 7 mètres de long désormais connu sous le nom de Papyrus Prisse dont, à son retour en France en 1844 après 17 ans d'absence, il fera don à la Bibliothèque Royale. Dans ce qui est aujourd'hui devenu la Bibliothèque nationale de France, sur le site désormais appelé Quadrilatère Richelieu (entrée principale : 58 rue de Richelieu), il figure dans les collections du Département des Manuscrits (division orientale), sous la référence Egyptien 183-194.

   C'est précisément en cet endroit prestigieux que, du 1er mars au 5 juin prochains, se tiendra Galerie Mansart, une exposition menée conjointement avec le Louvre : judicieusement intitulée EGYPTE DE PIERRE, EGYPTE  DE PAPIER, sur base des documents rapportés par l'archéologue avesnois, elle mettra à l'honneur, en parallèle, les richesses de l'art pharaonique et celles de l'art islamique.

     A Richelieu, EGYPTE DE PAPIER honorera la partie de son oeuvre léguée à la Bibliothèque Royale de l'époque et notamment des documents sortis pour la première fois du fonds iconographique, tandis qu'au Louvre, du 2 mars au 2 juin,  tout à côté de la salle 12 bis du Département des Antiquités égyptiennes où l'on peut désormais admirer la reconstitution de la Chambre des Ancêtres, EGYPTE DE PIERRE nous permettra de découvrir des archives inédites à propos du transport du monument. 

     Cette nouvelle exposition égyptologique parisienne, outre sa conception duelle, se caractérise donc par une judicieuse volonté d'enfin rendre à Emile Prisse d'Avennes une aura  bien méritée au sein du  monde savant du XIXème siècle ...

     Peut-être, amis lecteurs, nous y rencontrerons-nous un jour de ce printemps ...

(Thibaudault : 2006, 15-22)