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Une synagogue entre Byzance et Sion

Publié le 05 février 2011 par Allo C'Est Fini
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La synagogue de Boulogne-Billancourt fête ses 100 ans, et a organisé un cycle de conférences très intéressantes. Ce soir, c’est au tour de Dominique Jarassé, spécialiste de l’art juif en France. Je vous propose de suivre cette conférence en live, sur ce blog.

Une synagogue entre Byzance et Sion

L’intervenant: Dominique Jarassé, professeur d’histoire de l’art et spécialiste du patrimoine juif français.

Introduction: Le rabbin de Boulogne-Billancourt, Haï Belhassen, rappelle que la lecture de ce shabbat était consacrée à la construction du « michkan« , le sanctuaire. Sacrée coïncidence (ou coïncidence sacrée?).

La conférence.

Dominique Jarassé rappelle qu’il était là pour les 80 ans. Il explique le titre, qui propose une réflexion sur l’histoire de la communauté et de la synagogue de Boulogne. Quelques questions: pourquoi cette synagogue a-t-elle cette forme, pourquoi la qualifier de byzantine? Construite en 1911, elle correspond à un moment particulier de l’architecture des synagogues, de la communauté juive, en France. Avec Boulogne, la rue Chasseloup-Laubat, c’est la fin de l’âge d’or des synagogues.

Le plan lui-même – le plan centré -,  l’architecture de la synagogue, possède sa propre symbolique. Cela rappelle les églises grecques: un plan en croix. La croix grecque s’inscrit dans un carré, contrairement à la croix latine.  Les formes allongées sont sur le plan dit basilical: dans ces bâtiments, les fidèles regardent dans la même direction, vers le fond de l’édifice. Boulogne et Chasseloup (construite en 1913) sont construites sur un plan centré, une forme carrée.

Dans les années 1860, une petite communauté s’organise à Boulogne. En 1880, elle essaie de s’organiser, de construire une petite synagogue, fait un appel pour lever des fonds, à l’instar de celle de Neuilly. Un grand mécène intervient à cette époque pour financer la construction d’édifices religieux. Daniel Iffla, dit Osiris. Ce dernier contribuera à la construction de 7 synagogues, dont  Vincennes, Lausanne, Buffault, Tours et … Tunis. Mais il décède en 1907, deux ans après la séparation de l’église et de l’état. C’est la fin d’un système.

Exit Osiris, ce sera Edmond de Rotschild qui financera la construction. C’est un grand sioniste, qui participe à l’établissement de communautés juives en Israel, notamment à Rishon LeZion. Le sionisme se manifeste par l’apparition de l’étoile de David sur les édifices. A Tunis elle est fortement visible, à Boulogne sa présence est plus légère, on lui préfère la symbolique des tables de la loi (sur les fenêtres, les arcades).

En France, à la fin du XIXe siècle, les synagogues sont traditionnellement à plan basilical, un plan en longueur: La Victoire, les Tournelles, à Dijon. Tout le décorum de l’église est là: le costume, l’orgue. De même en Allemagne, à Hanovre. Les plans sont en croix (ce qui ne gênait en rien les fidèles ou le rabbin). C’est le symbole de l’intégration au pays d’accueil. Quelques synagogues sur plan centré existent alors: à Dresdes (1838),à Alger (1865), Genève (1867).

Une synagogue entre Byzance et Sion

Neuilly (1878) a une importance sur la construction des synagogues. Elle est construite par Emile Ulmann, architecte juif qui a voyagé en orient, sur le modèle des églises byzantines, avec une coupole, un plan centré: une deuxième partie lui sera adjointe pour la mettre sur un plan basilical. Ce modèle de plan centré devient à la mode à l’école des Beaux-Arts, ainsi qu’aux Etats-Unis entre 1890 et 1940 (Buffalo, Nouvelle-Orléans): un vestibule (appelé artex dans les églises byzantines).

Le mécène de Boulogne sera le baron Edmond de Rotschild (1845-1934). Le rôle de la baronne sera lui aussi éminent.  Il participera à la construction de la synagogue de Chasseloup-Laubat et à celle de Belleville (pour les immigrés juifs d’Europe de l’Est…), de l’Institut Curie, d’installations universitaires à Madrid, à Londres, bref, un grand mécène français dans le domaine de la culture et des sciences. Grand collectionneur de dessins et de gravures, il a légué toute sa collection au Musée du Louvre.  Grand sioniste, il finance l’établissement de la ville de Rishon LeZion, ainsi que la culture de la vigne dans cette région d’Israel.

Le baron s’adresse à des architectes juifs pour faire construire cette synagogue de Boulogne. C’et Emmanuel Pontremoli qui sera choisi. Fils de rabin, fasciné par l’orient, il a obtenu le grand prix de Rome en 1890. Il construit pour Téhodore Reinach la villa Kérylosà Beaulieu.

Le terrain appartenait au baron, dans le domaine que le Parc Rotschild, il l’a vendu pour y construire cette synagogue. Dans son apparence générale, la synagogue de Boulogne fait penser à Sainte Sophie: une coupole (symbole de l’unité), des galeries décorées de fenêtres (ici 4×3 = 12, symbole des 12 tribus), un immense lustre suspendu (aujourd’hui disparu).

Fichier:Ayasofya-Innenansicht.jpg

L’étoile de David, si discrète en façade, apparaît au sol, sur les plans de la synagogue. La séparation entre les fidèles et l’organisation du culte rappelle ici aussi l’art byzantin, avec un chancel en dur. Les lampes pendantes, là aussi sont tout à fait orientales.

Aparté sur les synagogues de Tunisie: il y eut jusqu’à 25 synagogues … à Djerba seulement, il en reste 12 ou 13. Certaines synagogues de Djerba rappellent par le nombre de colonnes (12) l’intérieur de celle de Boulogne. Autre spécificité tunisienne, les juifs de Tunis ont entendu parler du mécène Osiris. Le premier projet de synagogue de Boulogne est stupéfiant: établi par Victor Tondu, c’est un projet grandiose avec deux tours qui lui donnent l’apparence d’une cathédrale… Les juifs de Tunis s’en sortiront en n’ouvrant le concours final en 1912 … qu’aux architectes de Tunisie, et ce sera un jeune juif tunisien, Victor Valensi, élève aux Beaux-Arts, qui gommera les deux tours, proposera un plan centré, propose son plan de synagogue comme diplôme à l’école. La synagogue verra finalement le jour en 1937. Son maguen David immense est caractéristique de l’essor du projet sioniste, à côté de la dimension cultuelle.

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