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"Le prix à payer" de Joseph Fadelle

Publié le 05 février 2011 par Francisrichard @francisrichard

La liberté religieuse est un bien qu'on ne mesure pas à sa juste valeur quand nous en disposons sans avoir à lutter, comme c'est le cas dans nos pays occidentaux.

Un homme, Joseph Fadelle, a souffert cruellement de cette absence de liberté dans son pays d'origine, l'Irak. Il nous le raconte dans un livre qui fait froid dans le dos.

Cette autobiographie est intitulée Le prix à payer et a été publiée l'an passé aux éditions de L'Oeuvre ici. La première édition date de mars 2010, la deuxième de novembre 2010. 

Moammed est le fils de Fadel-Ali, chef tout-puissant du clan irakien des Massaoui. Bien que n'étant pas l'aîné des fils, Moammed a été désigné par Fadel-Ali pour lui succéder à la tête du clan. Moammed a donc tout pour lui sur Terre, et plus précisément le pouvoir et l'argent, qui forcent le respect à ceux qui n'en ont pas.

A 23 ans, en ce début de 1987, il part à Bassorah pour accomplir son service militaire de trois ans dans l'armée du sunnite Saddam Hussein, qui a entraîné l'Irak dans une guerre contre l'Iran. Avant de partir, son père lui a demandé de repérer les lieux, de lui dire s'il est exposé aux zones de combat, auquel cas il le fera exempter, grâce à la longueur de son bras.

Son service sous les drapeaux commence sous de bien mauvais auspices. Lui, le chiite, et fier de l'être, va devoir partager sa chambre de la caserne avec un chrétien, un modeste agriculteur dénommé Massoud,  qui ne devrait même pas être conscrit à son âge, 44 ans.

Les choses se passent cependant mieux que de prime abord. Massoud est en effet un homme bon et cultivé. Ils discutent. Moammed raconte sa courte vie avec suffisance. Massoud l'écoute avec bienveillance.

Lors d'une absence de Massoud, Moammed déniche, dans la chambre, dans le coin du chrétien, sur une étagère, un livre intitulé Les miracles de Jésus. Moammed le dévore littéralement et au retour de Massoud il lui avoue son forfait. Sa curiosité piquée, il aimerait en savoir plus sur ce Jésus qui accomplit des miracles. Car ce personnage lui "procure une joie bienfaisante".

Massoud, méfiant, répond laconiquement aux questions que Moammed lui pose sur les chrétiens. Alors que Moammed se fait fort de démontrer à Massoud la supériorité de l'islam sur le christianisme, ce dernier l'incite, avant de lui apporter l'Evangile, à relire le Coran, qu'il lit pourtant chaque année pendant le Ramadan, "en essayant vraiment d'en déchiffrer le sens avec son intelligence", en étant honnête, sans tricher.

Moammed se prête à l'expérience et il tombe de haut. Le musulman observant qu'il était ne peut plus l'être après cette lecture qui lui dessille les yeux sur la réalité de l'islam. Il découvre avec son intelligence un islam dépourvu d'amour que son observation machinale et aveugle ne lui permettait pas de découvrir.

Cette désillusion ne le conduit certes pas à rejeter l'existence de Dieu, dont il est convaincu de la bonté, mais à émettre des doutes sur toutes les religions, y compris celle de Massoud, ce qui aurait pour avantage d'épargner à son amour-propre d'être complètement blessé pour s'être fourvoyé ainsi ausi longtemps.

Un matin il se réveille et se souvient d'un rêve qu'il a fait dans la nuit. C'est la première fois que cela lui arrive de se souvenir d'un rêve. Il en est tout heureux. Dans ce rêve un bel homme aux yeux bleu gris, à la barbe peu fournie, aux cheveux mi-longs lui a dit cette parole énigmatique :

"Pour franchir le ruisseau, tu dois manger le pain de vie."

Ce jour-là Massoud lui tend enfin l'Evangile, car le moment est venu d'en prendre connaissance. Il commence par celui de Jean alors que Massoud lui a conseillé de commencer par celui de Mathieu. Au chapitre 6 il tombe en arrêt sur un passage où Jésus dit :

"Je suis le pain de vie, celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim..."

C'est la même expression mystérieuse qu'il a entendu en rêve et qu'il n'a pas comprise.

Son destin est scellé. Il se rend. Il ne s'agit plus de convertir Massoud à l'islam. C'est Massoud, au contraire, qui ,"par des images simples, tirées de son bon sens paysan", va lui enseigner les mystères de la foi chrétienne. Les tribulations vont pouvoir commencer et Joseph Fadelle va nous faire le récit tout au long de ce livre du prix qu'il devra payer, lui le musulman, pour s'être converti.

Massoud disparu, Moammed va connaître ainsi le rejet de l'Eglise qui se méfie de lui, puis a peur de l'accueillir en son sein. En terre d'islam on ne badine pas avec le prosélytisme. Lui-même est en danger de mort du fait de sa conversion.

Sa famille finit par découvrir son secret dans lequel il a conduit femme et fils. Elle le rejette et le fait mettre en prison, où il est torturé et dont il ne sort, amaigri, qu'après seize mois de tourments. La leçon doit être suffisante pour le ramener à la raison.

En fait la leçon a porté d'une tout autre manière. Il a compris qu'il ne pourrait vivre, libre d'exercer sa religion chrétienne, qu'en quittant l'Irak et qu'en prenant le chemin de l'exil. Il finit par gagner la Jordanie avec femme et enfants - une petite fille est née entre-temps.

L'Eglise a fini par les aider. C'est elle qui a organisé leur fuite, qui va les aider à survivre en Jordanie où la mort guette tout autant qu'en Irak les musulmans convertis. La famille de Moammed finit même par l'y retrouver. Son oncle Karim va même ouvrir le feu sur lui et il n'en réchappe que par miracle.

Il n'est plus possible pour lui et sa petite famille de demeurer en Jordanie. Jusqu'au dernier moment les embûches se dressent sur leur route et ils ne les surmontent qu'avec l'aide de Dieu par une de ses interventions improbables, par ses petits coups de pouce dont il a le secret et qui changent un destin.

Le 15 août 2001 un avion se pose à Paris. Il y a à bord une petite famille qui ne connaît pas un mot de français, mais qui portent des prénoms chrétiens depuis qu'ils ont été baptisés en Jordanie. Moammed a choisi Jean pour prénom de baptême mais se fait prénommer Youssef, puis Joseph. Sa femme, Anouar, est devenue Marie. Leur fils, Azhar, Paul, et leur fille, Miamy, Thérèse.

Joseph sait que lui et les siens ne retourneront pas dans leur pays tant qu'y régnera la charia :

"L'islam et la société qui émane de cette religion m'auront privé de la plus élémentaire liberté. Elle seule m'aurait permis de vivre en paix sur cette terre d'Orient qui est aussi celle des chrétiens."

Francis Richard


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