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Olivia Elkaïm: une réflexion sur la transmission, la féminité et le rapport amoureux

Par Bscnews
olivia ElkaimInterview d'Olivia Elkaïm. Propos recueillis par Emmanuelle de Boysson - Bscnews.fr/ Depuis, « Les graffitis de Chambord » (J’ai lu), roman sur trois générations d’hommes, Olivia Elkaïm explore la mémoire et l’oubli. « Les oiseaux noirs de Massada »  nous entraînent avec Klara, une chanteuse folle d’un producteur, à Massada, en Israël où sa délicieuse grand-mère lui révèle le secret de sa vie. Réflexion sur la transmission, la féminité, le rapport amoureux, cette histoire parle au cœur.
Quel est le lien qui existe entre « Les graffitis de Chambord » et « Les oiseaux noirs de Massada » ? Pourquoi le thème de la mémoire est-il pour vous si important, le fil conducteur de vos romans ? Il existe un lien fort, visible entre mon premier et mon deuxième roman. Ce n’est pas quelque chose de pensé ou de fabriqué, cela s’est construit au fur à mesure de l’écriture de « Massada ».. Je me rendais compte de la communauté de thématiques entre les deux romans. Je suis traversée par ce thème de la mémoire, de la trace que laissent nos ancêtres. C’est difficile d’en dévoiler la raison, je ne suis pas sûre de la connaître. Peut-être est-ce lié à mes origines, à l’exil de mes deux parents – mon père né en Algérie, ma mère née en Tunisie -, aux secrets qui pèsent sur ma famille ? Ces deux romans fonctionnent en diptyque, c’est certain, même s’il est tout à fait possible de lire « Massada » sans avoir lu « Chambord ». Il y a une vraie différence entre les deux romans, toutefois : Je crois que « Massada » est plus lumineux, plus féminin, plus facile à lire que « Chambord » qui était d’une construction complexe avec de très nombreux personnages… Dans « Massada », on suit le destin parallèle de deux femmes, liées par le secret d’un amour perdu.
Comment vous est venue l’idée des « oiseaux noirs de Massada » ? Un peu comme m’était venue l’idée de « Chambord » en me promenant dans le château… Je suis allée à Massada. Curieusement, alors qu’une grande partie de ma famille vit en Israël, je n’ai découvert ce lieu qu’en 2007, en plein mois d’août. J’ai fait l’ascension de ce rocher, de nuit, pour découvrir le lever du soleil sur les monts de Jordanie. C’était une expérience presque mystique ! Et là, j’ai su que mon roman, le deuxième, s’intitulerait « Les oiseaux noirs de Massada » mais je ne n’avais aucune idée d’histoire, de trame romanesque… Il y aurait quelque chose à voir avec cette forteresse et le destin tragique de ces juifs suicidés en 73 après JC, certes.... Plus tard, j’ai commencé à imaginer ce qu’a ressenti le dernier homme, celui qui a été chargé de tuer ses proches avant de se suicider, puis peu à peu les deux personnages de femmes, Klara et Mouna, sont advenus.
Comment s’est passé votre travail d’écriture ? Avez-vous construit l’histoire ? Avez-vous beaucoup repris le texte ? Dans quelle direction ? Votre éditeur vous a-t-il aidé ? Dans quel sens ? C’est un texte que j’ai énormément travaillé et qui doit beaucoup à la pugnacité de Manuel Carcassonne, mon éditeur. Il y a cru dès les premières lectures qu’il en a faites. Tout était là et il m’a aidé à structurer ce texte, en me guidant, en renouvelant la confiance qu’il avait en moi. Il m’a poussé dans mes plus lointains retranchements. Je lui dois beaucoup, même si parfois, c’est très dur de reprendre un texte qu’on pense abouti… Il me disait : tu peux aller plus loin, creuse le personnage de Ron, travaille la narration. C’est un éditeur remarquable.
Cette histoire d’amour et de quête d’identité est-elle en partie autobiographique ? Avez vous été en Israël sur les traces d’un passé, comme Klara et sa grand-mère. Dans ce texte, tout est vrai et tout est faux. Je suis allée plusieurs fois en Israël pour écrire ce roman, notamment en janvier 2009 pendant la guerre de Gaza. J’ai pu goûter l’ambiance très particulière, très tendue, qu’il y avait dans le pays à ce moment-là, écouter les différentes opinions. Comme Klara, je suis allée à Ashkelon, j’ai pu voir les stigmates de la guerre et comme tous les journalistes, malheureusement, j’ai été bloquée, je n’ai pas pu entrer dans Gaza. Mais je ne suis pas allée en Israël avec mes grands-mères puisque les deux sont décédées pendant l’écriture de mon roman, ce qui a été un grand choc pour moi.
Klara, chanteuse, amoureuse d’un producteur est une femme fragile : pouvez-vous nous parler d’elle. Et aussi de sa merveilleuse grand-mère ? Klara est le personnage le plus contemporain, elle n’a pas trente ans. Elle chante dans des cabarets à Paris, sa carrière ne décolle pas. Puis elle rencontre un producteur israélien qui lui promet le succès dans une comédie musicale à succès qu’il monte à Tel Aviv. Il est beau, riche ; il a un passé complexe ; sa famille est issue de Pologne… Evidemment elle tombe amoureuse de lui. Quand elle le rejoint là-bas, il la quitte au moment où éclate la guerre de Gaza. Elle comprend qu’il a une famille, qu’il est marié… Et alors qu’il faisait écran avec son passé inconnu, qu’elle se sentait protégée par lui, tout s’écroule, elle perd sa voix, ses repères. C’est sa grand-mère qui va l’aider à se relever. Mouna débarque en Israël et en lui révélant un secret profondément enfoui, elle va la sauver d’une certaine déchéance. Mouna est un condensé de ce qu’on aime chez une grand-mère, vive, drôle et adorable. Oui, c’est une adorable petite vieille qui fait face au passage des années, à la décrépitude, pour sa petite-fille, pour ne pas la laisser seule.
Ce roman apparaît comme une autopsie de la passion. De l’amour à l’attente, jusqu’aux désillusions, pouvez-vous nous en dire plus ?Les gfraffitis de chambord C’était un fantasme pour moi : je voulais absolument écrire une histoire d’amour, ce qu’on ressent quand on aime, cette espèce d’effroi permanent, et ce bonheur dont on sait qu’il est fugace, de toute façon. On se sent un peu malade quand on aime passionnément, on a toujours peur que l’autre disparaisse…Et dans le cas de Klara comme de Mouna, ça arrive. Elles doivent affronter la disparition de leur amour. Klara perd Ron, Mouna perd Isaac, à deux époques différentes, de deux manières différentes.
Il traite aussi de la transmission, des liens filiaux. Comme dans « Les graffitis de Chambord », croyez-vous qu’aujourd’hui ces liens se perdent ? Comme je le disais j’ai perdu mes deux grands-mères et un de mes grands-pères pendant l’écriture du livre. Les liens se perdent quand meurent les ancêtres. Cela me rend infiniment triste de ne plus pouvoir questionner mes grands-parents, que tant de questions restent maintenant sans réponse. C’est sans doute pour cela que j’écris, pour remplir les blancs, ce qui est à jamais perdu.
Vos projets ? Votre nouveau travail ? J’ai terminé un court texte pour les Editions du moteur – cette maison créée par Emilie Frêche qui se démène pour faire adapter ses publications au cinéma. C’est une comédie intitulée « La Succession », à paraître en mai. C’est encore une histoire de grand-mère, mais très drôle, cette fois-ci. J’ai pu expérimenter l’écriture dans un format très court, et surtout la comédie, ce qui est loin d’être aisé. Par ailleurs, je prépare une courte pièce de théâtre pour le théâtre de l’Atelier autour de la thématique du bouleversement, toujours avec Emilie Frêche et une dizaine de ses auteurs. Nous allons travailler avec Anouche Setbon et Bruno Banon, de l’atelier Libre Jeu, qui avaient fait l’événement, l’an dernier, avec « Neuf mois en trois jours ». En février, je commence également un nouveau travail de journaliste au magazine La Vie où je suis nommée responsable de la politique. En conclusion, j’ai la chance immense de faire tout ce que j’aime et ce dont je rêvais, petite : du journalisme de qualité et des livres !

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