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crack in the ice

Publié le 05 février 2011 par Hoplite

« Il est cependant clair, qu’une telle atomisation de la société par le droit libéral (et la réapparition de la vieille guerre de tous contre tous qu’elle implique) ne peut aboutir à terme qu’à rendre toute vie commune impossible. Une société humaine n’existe, en effet, que dans la mesure où elle parvient à reproduire en permanence du lien, ce qui suppose qu’elle puisse prendre appui sur un minimum de langage commun entre tous ceux qui la composent. Or si ce langage commun doit, conformément aux exigences du dogme libéral, être axiologiquement neutre (toute référence “idéologique” réintroduirait les conditions de la guerre civile), il ne reste qu’une seule façon cohérente de résoudre ce problème. Elle consiste à fonder la cohésion anthropologique de la société sur l’unique attribut que les libéraux ont toujours tenu pour commun à l’ensemble des hommes : leur disposition « naturelle » à agir selon leur intérêt bien compris. C’est donc très logiquement sur l’échange intéressé (le fameux “donnant-donnant” qui fonde la rationalité de toute relation marchande) que devra reposer, en dernière instance, la charge philosophique d’organiser la coexistence pacifique d’individus que tout est censé opposer par ailleurs […] Telle est, en définitive, la raison majeure pour laquelle l’économie est devenue la religion des sociétés modernes ». (Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal)

Comprendre la nature réelle de nos sociétés modernes permet de donner un sens au chaos apparent qui règne et aux faits et discours de nos modernes ilotes.

Un exemple pris au hasard dans l’actualité :

« Mariage homosexuel à Montpellier

La maire PS de Montpellier (Hérault), Hélène Mandroux, a symboliquement marié ce matin deux homosexuels malgré la récente décision du Conseil constitutionnel de confirmer l'illégalité de telles unions.
La cérémonie s'est déroulée dans la salle habituellement réservée aux mariages dans cette ville, sur le domaine de Grammont, en présence des deux nouveaux "époux" de nationalité française et portugaise, Florent Robin et Tito Livio Santos Mota.
Hélène Mandroux, ceinte de son écharpe tricolore et accompagnée d'une partie des membres de son conseil, a strictement respecté le protocole habituel des mariages.
Pour respecter la loi, la maire a seulement évité d'inscrire cette union sur le registre officiel des mariages de la ville, empêchant ainsi la cérémonie de signature de ce registre par les mariés et leurs témoins.  "Tout s'est très bien passé. Les mariés étaient ravis et Hélène Mandroux a participé à la réception qui a suivi cette cérémonie dans une salle annexe tandis que d'autres mariages se poursuivaient à côté", a précisé à Reuters Sandrine Locci, responsable de la communication de la mairie de Montpellier. 
Une ville "gay-friendly"
Malgré la récente décision du Conseil constiutionnel, Hélène Mandroux a tenu ainsi à montrer son soutien officiel à la communauté gay de sa cité. Ce soutien, qui date de plusieurs années, fait que Montpellier est dévenu l'une des principales cités "gay-friendly" en France", a t-elle ajouté. (…) » (souce)

Au-delà de la figure de fion catastrophique de cette « maire courage » calamiteuse dont les postures de pseudo-résistance contre un ordre moral fantasmé font sourire même les lecteurs de Télérama, il faut comprendre que dès lors que nos sociétés ne sont plus fondées sur un certain nombre de valeurs partagées dans une perspective (télos) commune mais, désormais, uniquement sur le droit procédural et le marché garantis par un Etat axiologiquement neutre privatisant toute valeur morale, philosophique ou religieuse, l’issue de divergences morales/philosophiques ou religieuses ne dépend plus que du poids de lobbys antagonistes à même, en fonction de leur puissance démographique ou de leur exposition médiatique, voire de leur violence, de fixer –pour un temps- la norme sociétale.

En ce sens, la neutralité de l’Etat que sous-tend l’idéologie libérale (dont se réclame Mandroux, dans sa variante philosophique ou libertaire) n’est pas tenable car elle conduit, en voulant autoriser chacun à exercer une vision morale particulière éventuellement antagoniste avec celle de son voisin, à créer les conditions d’une guerre de tous contre tous (ce cauchemar de Hobbes) alors même que son postulat était d’écarter ce risque de guerre civile en écartant toute notion de Bien commun ou d’intérêt général…montrant ainsi que la structuration d’une société par des valeurs partagées reste indispensable à la paix civile. Ce que disait Aristote il y a fort longtemps :

« L'absence de communauté nationale est facteur de guerre civile, tant que les citoyens ne partagent pas les mêmes valeurs de civilisation. Une cité ne se forme pas à partir de gens pris au hasard, et elle a besoin de temps pour se coaguler. C'est pourquoi, parmi ceux qui ont accepté des étrangers pour fonder une cité avec eux, et pour les intégrer à la cité, la plupart ont connu des guerres civiles. Par exemple, les tyrans de Syracuse, en ayant naturalisé les immigrés, ont dû subir des révoltes. Citoyens et étrangers en sont venus à se combattre. » (Aristote, Politique, Livre V)

Nos sociétés modernes devraient donc être en bonne logique libérale, une sorte de désert normatif rempli d’individus contractants, disposant de libertés et de droits, éventuellement parfaitement antagonistes et régis par un état axiologiquement neutre soumis aux lois d’un marché auto-régulé et au droit procédural dont les limites mouvantes seraient définies par le rapport de forces entre des intérêts contradictoires.

Autre exemple éclairant, l’aveu bienvenu par le très libéral (« tory ») David Cameron, du désastre sociétal anglo-saxon engendré par l’idéologie multi-culturelle, stricte application de l’axiome libéral :

« Selon M. Cameron, qui s'exprimait devant la 47e Conférence sur la sécurité, le multiculturalisme tel que l'a pratiqué le Royaume-Uni, a échoué. "Même nos propres concitoyens ont perpétré des actions terroristes", a-t-il souligné. "Le multiculturalisme a conduit à ce que des communautés vivent isolées les unes des autres. Ces sociétés parallèles ne se développent pas selon nos valeurs. Nous ne leur avons pas donné une vision de ce qu'est notre société". A titre d'exemple, la Grande-Bretagne n'a pas assez fermement condamné la pratique du mariage forcé. Les pouvoirs publics ne doivent plus " admettre que des prédicateurs de la haine s'expriment " et doivent cesser de subventionner des organisations qui n'adhèrent pas clairement aux valeurs démocratiques, estime encore M. Cameron, pour qui la clé est dans la construction d'une " identité nationale pour tous", notamment pour les jeunes musulmans d'Europe, dont beaucoup se "sentent déracinés". » (source)

Il est assez surprenant que cet homme ne voie pas l’incohérence doctrinale qu’il y a à prôner, d’une main, des sociétés libres régies par les lois du marché (ce doux commerce) et le Droit, et de l’autre « des valeurs » qui devraient être partagées par tous…Au nom de quoi –(de quelle morale, de quelle éthique, de quelle religion, de quelles normes) devrait-on interdire certains « prêcheurs de haine » ? Et comment définir une  « identité nationale pour tous » lorsque l’Etat est axiologiquement neutre ?

A l’inverse de Hobbes qui prônait un Etat absolu, le Léviathan, pour conjurer le spectre des guerres civiles, la doctrine libérale instaure cet état axiologiquement neutre, ayant renoncé à définir la « vie bonne » en bannissant tout horizon normatif commun. Ouvrant la voie à la jungle de revendications identitaires, communautaires irréductibles à l'origine du chaos sociétal contemporain.

La guenon Mandroux installant des cameras de surveillance partout (comme dans le Panopticon de Bentham) dans une ville de plus en plus violente (ou célébrant un "mariage gay" dans une posture martiale grotesque) comme le pitre Cameron stigmatisant la weltanschauung étrangère des communautés musulmanes pakistanaises britanniques se retrouvent donc pareillement le cul entre deux chaises à déplorer les effets naturels de principes qu’ils chérissent.

Heureusement qu’il leur reste les Droits de l’homme et la shoah pour communier dans le chaos festif qu’ils édifient jours après jours.

J’y reviendrai.


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