Quinze jours que je suis dans ce livre. Quinze jours de pur plaisir, de douceur, de joie, d’admiration, de connivence, d’exaltation même, bref du bonheur à l’état pur. Ça fait du bien..
C’est vrai : je suis une inconditionnelle de John Irving, je le reconnais, depuis ce jour béni de ma première lecture du «Monde selon Garp». Je ne vois plus ses défauts ou plutôt je suis toute prête à les lui pardonner mais autant ses derniers romans m’avaient semblé un peu moins bien , autant celui-ci trône au sommet avec les plus grands et je m’apprête à entamer une seconde lecture Bien sûr, il faut du temps à lui consacrer. Ce n’est pas une petite plaquette d’une centaine de pages comme on nous en sert trop souvent, interchangeable et très vite oubliée. Il s’agit ici d’ un vrai gros roman de plus de 500 pages, un livre pour lectrices insatiables, pour celles qui lisent à tout va, n’importe où, n’importe quand.C’est un roman fleuve, une histoire de pères et de fils qui se déroule sur trois générations, en Amérique du nord-est, des années cinquante à nos jours.. On y explore, au gré des époques et des chapitres, le monde des rudes bûcherons-flotteurs de bois du New Hampshire, celui des restaurateurs-cuisiniers des villes de Boston et de Toronto, sans oublier celui de l’écrivain aux prises avec la réalité et l’imagination dans sa propre création.
Mon semblant de résumé
Danny, le narrateur, l’ écrivain, l’un des trois personnages principaux, ne me quitte plus : je vis avec lui, jour et nuit, je suis ce fils unique et adoré de Dominic Baciagalupo, devenu Tony Angel , son cuisinier de père, célibataire , boiteux et chétif mais sympathique, attirant et doué dont Rosie, la femme et la mère de Danny, est morte très jeune, noyée dans la Twisted River qui donne le titre au roman. Après une soirée bien arrosée, elle s’amusait dans l’eau avec son jeune époux et l’ami intime de celui-ci , le fameux Ketchum, le troisième héros du récit, bûcheron, chasseur, homme indomptable et par-dessus le marché le récent amant de la jeune femme. A cause de leur ivresse ils n’ont pas réussi à la sauver. De ce premier drame découle tout le reste que je ne peux pas raconter tant la suite est intense, fouillée, mouvementée...
Je me rends compte qu’à vouloir résumer ce livre, je le trahirai forcément et ce serait vite décourageant.
Je retiendrai qu'à la suite de ce premier drame Danny sera élevé par des femmes -servantes, nourrices, amies ou maîtresses du père, des femmes fortes, dévouées, adorées du jeune garçon mais qu'il en tuera une par inadvertance en la confondant avec un ours à l'attaque de son père. Le shérif du coin dont cette femme est devenue l'amie les poursuivra toute leur vie de sa vengeance. Ils seront obligés de fuir immédiatement cette dernière nuit à Twisted River et c'est cette fuite perpétuelle et cette poursuite menaçante pendant plus d'un demi siècle que raconte le récit, jusqu'à cette dernière tragédie inéluctable mais très belle et cette phrase terminale qui renvoie directement à la toute première du roman et qui consacre la victoire de l'art sur la réalité, autre grand thème du roman. L'écriture douloureuse, victorieuse et enfin apaisante et apaisée!
"Il sentait que la grande aventure de sa vie commençait tout juste, comme son père avait dû le penser lui-même, dans les affres et les circonstances funestes de sadernière nuit à Twisted River "
Je signale ici un entretien donné par l'auteur et quelques articles qui viennent de paraître dans la presse, peu nombreux encore à trois semaines de la traduction française du livre ICI et ICI
Exceptionnellement, je reporte aussi la quatrième de couverture
Au nord du Nord, au pays des bûcherons et des flotteurs de bois -les draveurs -, il était une fois un petit cuisinier boiteux et son fils de douze ans, gamin impressionnable à l’imagination peuplée d’ours indiscrets. Ils avaient pour garde du corps Ketchum, l’ogre anarchiste, ivrogne, rusé, noiseur, faux illettré à l’intelligence incisive.A l’image de la Twisted River torrentielle, ce récit d’une vengeance impitoyable bourlingue son lecteur d’ethnies en états sur trois générations, rencontre explosive entre l’Orient et l’Occident, comédie de mœurs culinaires, tragédie des portes mal fermées entre la splendeur d’une nature meurtrière et la quiétude imprudente du foyer.Un chien héroïque, une Mustang bleue fantôme, une ange atterrie dans la fange : le chef Irving nous réserve toutes les surprises de son art consommé dans un roman qui se dévore et se déguste jusqu’à la dernière page. Bombe glacée pour tout le monde au dessert !John Irving, né en 1942, a grandi dans le New Hampshire. Depuis la parution du Monde selon Garp, l’auteur accumule les succès tant auprès du public que de la critique. Dernière nuit à Twisted Riverest le 12ème roman de J Irving.Dernière nuit à Twisted River de John Irving (Seuil, janvier 2001, 562 p) Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun