L'origine du nom ("Rotunda sv. Kříže Menšího" Ste Croix mineure, mais aussi "Rotunda nalezení Sv.Kříže" découverte de la Ste Croix) vient de la fameuse découverte de la Ste Croix (parfois appelée "Vraie Croix", par opposition aux copies made in China) faite par Ste Hélène, mère de l'empereur Constantin, un matin du 3 mai 326 alors qu'elle grattait le sol se sa canne à la recherche de truffe noire du père Igor à Jérusalem (lisez l'histoire détaillée dans wikipédia).
Eh oui, parce que selon la légende, le nom de "Ste Croix mineure" proviendrait d'une autre croix que celle de Jésus passionné. Le nom proviendrait de qu'il était une fois, il y a long-longtemps très longtemps, au tout début de la ville de Prague, alors que cette dernière n'était encore qu'un magma de cahutes primitives en bois, habitées par des païens vivant de la chasse et de la cueillette, en ce temps donc, il était une fois une jeune fille (un peu bête) qui voulut prendre pour foi la religion chrétienne, considérée alors comme hérétique par les populations locales polythéistes. Les parents comme les voisins essayèrent en vain de l'en dissuader (la jeune fille), que Jésus, Marie, Joseph, c'était bien loin des "Perun, Dažbog, Mokoš et Svarog" adorés par les ancêtres, et que malgré la puberté, le hachich et Facebook à la télé, fallait qu'elle arrête ses conneries et revienne dans le droit chemin du paganisme.
Il est une autre hypothèse, concernant le nom. Vous vous souvenez, dans ma publie sur St Longin, je vous avais parlé (et même dessiné) de comment notre rotonde se trouvait au centre de gravité des 3 cathédraléglises (St Guy, St Pierre et Paul à "Vyšehrad" et St Pierre "Na Poříčí"). Ben tracez maintenant une droite St Guy - St Longin, puis une autre droite St Clément - St Philippe et Jacques. Vous obtenez une croix (mineure) dont les branches mesurent 2400 m chacune, et dont le centre est matérialisé par la rotonde de la Ste Croix (mineure). Enorme non? Certains historiens émettent l'hypothèse qu'avec toutes ces figures géométriques, la rotonde de la Ste Croix mineure était le centre de l'urbanisation de la vieille ville depuis le XII ème siècle, jusqu'à la mort du bon roi Charles IV (soit quelques 200 ans).
Il est cependant indéniable que notre rotonde est l'un des plus anciens édifices religieux de Prague, et l'un des plus anciens édifices tout court encore debout.
La première mention écrite de la Ste Croix mineure remonterait à 1365 ("ecclesia sancti Crucis minoris in Maiori civitatem"), l'édifice étant alors église paroissiale. J'ai retrouvé une mention encore plus lointaine, dans les archives du monastère de "Zbraslav", lorsque le conseil de la vieille ville confirma en 1380 un édit de 1343 concernant la location aux moines d'un édifice en face de notre rotonde: "quod a relig. d. abbate et conv. mon. Aule Regie matura deliberacione pluries prebabita domum eorum cum area in Maiori civitate Prag. ex opposito ecclesie s. Crucis minoris sitam penes balneum".
Alors donc en 1625, la rotonde passa sous la gérance des dominicains près de St Gilles. Bon, on ne sait pas grand chose sur cette période, sinon qu'il y eut quelques restaurations comme indiqué sur une plaque en marbre retirée au XIX siècle, mais dont Jean Florian (à nouveau) nous fit une description complète: "Jan Florián Hammerschmidt, Prodromus gloriae Pragenae (1723): Super porta hujus Ecclesiolae sequens Bohemica extrinseca continetur inscriptio renovationis: Anno 1673. Haec ecclesia renovata est in honorem gloriam DEI, expensis Domini Joannis Gedliczka, vulgo: Moravi, vel Morawecz illius Uxoris. Circa Ecclesiam muros renovavis, tegi fecit. Intus dealbari, in propylaeo tectum, ossarium contegi curavit. Anno 1674. extrinsecus Ecclesiam incrustari, dealbari, in choro tectum apponi, ad Coemeterium novam portam, intus gradus, pergulam ad campanas fieri pavimentum novum sterni curavit".
En 1784, Josef II désacralisa la rotonde (comme plusieurs milliers d'autres religieuseries d'ailleurs) dans le cadre de ses grandes reformes. Elle passa sous propriété privée en 1789, se transforma en entrepôt, en charbonnerie (magasin de vente de charbon) et commença une méchante déchéance qui mena l'édifice à la ruine. En 1860, la rotonde se trouvait dans un tel (sale) état, que la municipalité envisageait de la raser purement et simplement, afin de construire sur son emplacement un immeuble de rapport. Mais en 1861 arriva Zorro, sous l'apparence de ce qui deviendra en 1863 "Umělecká Beseda", une association d'artistes et d'intellectuels rassemblés sous la devise "la liberté dans les arts" dont la vocation était (et est toujours) la promotion de talents, et accessoirement la sauvegarde des rotondes en péril.
Et justement, ben il ressemble à quoi aujourd'hui l'édifice?
Alors quelques anecdotes maintenant. Lors de la période de sauvegarde de la rotonde, en 1862, "Ferdinand Břetislav Mikovec" se souvint soudainement que le musée du Royaume de Bohême avait acquis 20 ans plus tôt le "fameux modèle de Prague" (dont je vous ai souvent parlé) construit par "Antonín Langweil".
Et n'oublions pas les légendes qui vont bien. En un temps, il existait dans la rue "Konviktská", juste derrière la rotonde, un troquet malsain nommé d'après le pseudonyme de son propriétaire, "U Jezurů", et que les praguois appelaient ironiquement "U Dobrých sester" (chez les soeurs charitables) de par les boucanières noctambules qui écumaient ce pince-culs interlope. Et l'histoire raconte, que le coin était hanté par un esprit poilu, avec de longues jambes et de longs bras, tout poilus, et une barbe, toute poilue aussi. Selon les dires des locaux, le bestiau venait punir les dépravés pervertis qui s'étaient égarés de la parole divine. Nombreux affirment l'avoir vu, l'esprit poilu, et d'aucuns même auraient été mordus au nez, jusqu'à une pauvrette (enfin dévergondée quand même) que le bestiau aurait tenté d'étrangler. A force d'effrayer les clients, ces derniers finirent par ne plus fréquenter le troquet, et l'esprit poilu aurait alors déménagé son vertueux apostolat en d'autres localités de la ville. Personnellement, je ne l'ai jamais rencontré, sans doute parce que je suis moralement respectable :-) Par contre, je me suis déjà rendu au troquet qui porte son nom, "U Chlupatýho ducha" (à l'esprit poilu), et qui ne mérite pas forcément un coup d'oeil, même si vous passez dans le coin. Les serveuses sont mignonnes, sympathiques, mais la bière est catastrophiquement immonde.
Sinon il est une croyance selon laquelle, il existerait sous la rotonde et dans la rue "Konviktská", de profondes caves dans lesquelles se trouveraient des tombes, dans lesquelles dormiraient des morts vivants qui protègeraient un fabuleux trésor consigné là pour le prochain roi de Bohême. Cette légende serait étayée par la découverte du denier de "Jaromír" (de 1012). Maintenant compte tenu de l'inflation accumulée depuis 1 millénaire et de la probabilité d'avoir un roi dans l'avenir, quand bien même il remontait un jour à la surface, la valeur du dérisoire trésor...
Toujours dans la rue "Konviktská", dans un jardin privé, son propriétaire (du jardin) voulut construire un mur afin de séparer sa parcelle de celle de la rotonde.
Donc lorsque vous visiterez Prague, plein centre, n'oubliez pas de passer voir la rotonde. Elle se trouve à seulement 250 m du Théâtre National, dans des petites rues authentiques qui sentent bon l'histoire de la ville, et vous ne serez pas importunés par les touristes qui ne s'aventurent que rarement dans ce coin-là.