Voici un film à petit budget, réalisé par Josh Fox sur une initiative personnelle et sans équipement spécialisé. Le jour où Fox reçoit une lettre d'une compagnie d'exploitation de gaz de schiste lui offrant de "louer" son terrain avec un bonus de signature de 100 000 $, l'homme s'interroge sur cette offre et cette industrie. Il entreprend donc un périple avec sa caméra un peu partout aux États-Unis pour voir ce que réalise l'industrie, et constater les impacts sur la population, les terres et l'environnement. Voilà un documentaire choc, dont l'impact est immédiat. Tous les néolibéraux de droite qui militent aveuglément pour l'octroi de permis d'exploitation de gaz de schiste devrait obligatoirement voir ce film. Bien documenté et informatif, Gasland s'attarde un peu plus aux impacts directs sur la vie des gens: Champs de citernes, paysages dévastés, contamination de la nappe phréatique, fuites innombrables, inflammabilité de l 'eau potable et de l'air ambiant(!), la liste est longue et inquiétante. Les gens qui en souffrent directement (maladies diverses) l'est aussi. L'autre côté de la médaille (l'industrie) a refusé de collaborer, à quelques exceptions près; quelque politicien local qui répète les arguments fallacieux de l'industrie: aucune source d'énergie n'est parfaite, on veut réduire notre dépendance au pétrole, etc. Un représentant au congrès (ou un sénateur, je n'ai pas noté sur le coup), mentionne même - dans un moment quasi surréaliste - qu'il est pour cette industrie pour éviter de devoir dépendre des pays producteurs de pétroles et donc, du terrorisme! La célèbre prise où on voit l'eau du robinet s'enflammer n'est pas une exception parmi les scènes révélatrices de Gasland. Évidemment, avec le débat sur l'exploration de cette filière gazière au Québec, ce documentaire devient un must pour tout citoyen d'ici qui veut avoir de l'information - puisque ce qui sort de nos ministères provient directement de l'industrie en question. On devrait expédier une copie de ce DVD à Lucien le Lucide, question de voir jusqu'où peut aller sa lucidité.
Voilà bien le documentaire le plus déjanté de cette courte liste de nominations à l'Oscar. L'origine de ce film est complexe et hilarante; Thierry Guetta est un français qui habite Los Angeles et qui tient une petite boutique de vêtements. Il a une obsession: filmer. Armé d'une petite caméra vidéo (à cassette), il filme tout et toujours; sa vie, ses enfants, ses activités; les objets de son quotidien, il filme tout, accumule les cassettes et passe à la suivante sans jamais les regarder. Il documente (ou le croit-il). Jusqu'au jour où il s'amuse à filmer un street artist (ou artiste urbain), qui applique des portraits au stencil un peu partout en ville. Thierry devient fasciné par cet art qu'il filme sans cesse, parfois jour et nuit. Jusqu'au jour où il est mis en contact avec Banksy, l'artiste urbain britannique de renom (et anonyme) le plus célèbre de son époque. Devant le désastreux résultat du documentaire sur l'art urbain monté par Thierry, Banksy ramasse les cassettes pour monter le film autrement. Pendant ce temps, Thierry, de retour à L.A., s'adonne lui-même à l'art urbain et atteint, sous le pseudonyme de Mr. Brainwash, le statut d'artiste de renommée mondiale en quelques semaines. Banksy décide alors le documentaire sur lui-même ne vaut pas la peine d'être monté; ce qu'il faut faire, c'est monter le film pour en faire un documentaire sur Thierry/Mr.Brainwash. Le résultat est Exit through the gift shop, un film hilarant sur un personnage déconnecté de la réalité, qui vit ses passions et ses obsessions avec aucune limite.
Le regard sur l'art urbain et sur Banksy lui-même est également intéressant. L'artiste a réussi à la fois à documenter cet art, à raconter l'histoire de son ami, et à signer un film, lui qui n'a jamais révélé sa véritable identité.
Documentaire sur la guerre, Restrepo nous fait accompagner un peloton américain basé en Afghanistan, pendant un peu plus d'un an, dans une des plus dangereuse vallée du pays, qui est d'une importance stratégique majeure. Le film met d'abord l'emphase sur les militaires, leur point de vue et leur progression dans cette mission de 15 mois. Les images sont percutantes, et permettent (pour la première fois?) d'assister véritablement à ce qui se passe là-bas à l'extérieur des cordons habituels réservés aux médias d'information. Cette incursion dans la vie privée des soldats permet d'avoir une meilleure idée de leurs conditions de travail, et de l'évolution de cette mission en Afghanistan. Le résultat est à mi-chemin entre le respect pour l'homme d'armée et l'illustration imparfaite de l'absurdité de la guerre. Le film développe les sympathies envers les soldats présents et leurs relations interpersonnelles, sa réflexion est donc influencée par ces témoignages de première main et les images de combats, de réjouissance, de détresse et de mort. L'illustration de l'absurdité est indirecte; mais en voyant ce qui se passe là-bas, l'absurdité de la situation ne peut que se révéler au spectateur. Par exemple, ce ne sont pas des diplomates qui rencontrent les conseils de sages des villes et villages, mais des soldats qui tentent de leur expliquer/imposer bien sommairement nos idées et notre point de vue. Restrepo est donc (involontairement) profondément déprimant dans sa conclusion et son regard sur la guerre. Mais le film a la grand mérite de montrer que tout n'est pas noir et blanc; les gens des villages de cette vallée dominée par les Talibans n'aiment ni ne supportent les Talibans, même s'ils n'aiment ni ne supportent pleinement les soldats non plus. Comme bien des gens sur la planète, il font ce qu'ils peuvent pour s'en sortir pendant que les forces en présence s'affrontent et se disputent leur allégeance.