Wajdi Mouawad, d'origine libanaise, est la révélation théâtrale française de 2007. La pièce Forêts dont la mise en scène dure presque trois heures, a fait sensation aussi bien chez les critiques que chez les spectateurs.
Je n'ai pas eu l'occasion de voir la pièce mais je viens de lire la pièce ; c'est profondément original, antique et moderne à la fois, épique et tragique. Une véritable histoire romanesque se déroulant sur cinq générations de femmes. La mort, le sang, le destin, thèmes tragiques par excellence auxquels s'ajoute un brin d'insolite.
Voici le point de départ : Loup, une jeune fille de notre temps, apprend par sa son père que sa mère, Aimée, était atteinte d'une tumeur insolite au moment où elle lui a donné naissance : dans son cerveau, se sont fossilisés un foetus et une mâchoire humaine ! Un paléontologue, Douglas Dupontel, découvre à son tour que cet os a le même ADN qu'un crâne humain découvert dans un charnier à Dachau par son père.
En compagnie de Douglas, Loup, très réticente et agressive, va donc partir à la recherche de ses origines. A qui appartient cette mâchoire ? Qui est ce Lucien qu'évoque Aimée lors de ses crises d'épilepsie ?
Lou va donc partir à la découverte d'une étrange lignée de femmes, ses ancêtres, qui vont la mener jusqu'à une forêt ardennaise au début du siècle, pendant la Première Guerre Mondiale. Elle va y découvrir la monstruosité des origines mais aussi la réconciliaion, l'apaisement.
Six femmes, Odette, Hélène, Léonie, Ludivine,Luce, Aimée, six sacrifiques, six abnégations qui ont connu la souffrance, la mort, la violence. Mouawad nous livre un concentré de tout ce qui a pu exister dans le théâtre tragique antique : la lignée maudite, les créatures hybrides monstrueuses, le meurtre entre fratries, l'inceste.
Cela nous fait penser à la fois à Thésée, au Minotaure, à l'Orestie ; la parole de toutes ce femmes n'est pas sans rappeler les souffrances exprimées dans les choeurs antiques.
Il est aussi question d'inconscient, de la force de l'amitié et de la transmission à travers les âges. Pour évoquer ce thème de la filiation, Mouawad a choisi d'introduire des thèmes insolites qui donnent à l'histoire une allure alambiquée, une dimension énigmatique. Ainsi, une mâchoire se retrouve dans un crâne et c'est un paléontologue qui enquête !
Certains ont critiqué l'accumulation de violences et la construction trop ambigüe. Au contraire, je trouve que le texte est savamment construit : chaque acte est centré sur une femme d'une génération, à une époque donnée ce qui n'empèche pas quelques chassés-croisés.
Mouawad renoue avec les grandes épopées sur plusieurs décennies, ce qui donne une épaisseur romanesque à la pièce de théâtre. Et le coup de théâtre final suscite beaucoup d'émotions !
Si quelques uns d'entre vous ont vu la pièce, vous pouvez me décrire la mise en scène....en attendant d'en voir une !