Laïcisation ou islamisme

Publié le 04 février 2011 par Jclauded
La révolution dans le monde arabe, commencée en Tunisie, l’appelle à décider de son avenir. Veut-il continuer à accentuer davantage la spirale ascendante de l’islamisme ou veut-il choisir la route de la laïcité ?
Nous, démocrates, nous réjouissons de la chute des gouvernements bâtards et dictatoriaux qui s’annonce, du Maghreb au Moyen-Orient. Il est temps que chutent ces régimes qui règnent dans la terreur et la corruption, manquent à leurs devoirs et imposent la force pour se tenir en place. Il est temps que tous les arabes puissent bénéficier de liberté, de transparence politique, d’élections ouvertes et libres et d’institutions qui les respectent, les consultent et leur donnent des mesures économiques et sociales justes et équitables.
Le nouvel espoir du monde arabe fait craindre ses dirigeants. La police secrète de Moubarak sème la terreur, la police de Bouteflika n’arrive pas à éteindre la flambée contestataire des Algériens, les Jordaniens s’élèvent contre leur roi même s’il a limogé son premier ministre, la Syrie bougeotte, le gouvernement du Yémen est en danger. Partout, ailleurs, les remous se font sentir. On peut penser que si l’Égypte tombe, le reste suivra vite.
Malgré ces changements inespérés et tant attendus, plusieurs dirigeants occidentaux craignent les renversements de ces systèmes politiques. Par exemple, le PM Harper du Canada d’Harper est partagé entre la politique américaine et celle d’Israël, à qui il est vendu, qui veut maintenir Moubarak. D’autres, qui ne voient que les islamistes fondamentaux dans leur soupe, croient en la possibilité d’une prise de pouvoir de ces derniers. Ils identifient les Frères musulmans égyptiens au Hamas et à l’Hezbollah. Ils se rappellent l’élection libre de 1990 en Algérie où le Front Islamique du Salut (FIS) a été élu (il a été empêché de gouverner et ses dirigeants ont été emprisonnés par l’armée).
Pour eux, qu’importe si les 85 millions d’Égyptiens et Égyptiennes vivent dans la dèche et que 40% n’aient pas d’éducation, qu’importe si les 300 millions d’arabes de cette partie du monde subissent des dictatures qui minent leur vie. Ce qui compte, c’est de combattre une poignée d’islamistes.
Il me semble clair, et un très grand nombre d’observateurs le disent, que les révolutions tunisienne et égyptienne ne sont pas le fruit des islamistes mais celui du peuple tout entier, et particulièrement des jeunes. Ce sont ces derniers qui empêcheront les islamistes fondamentalistes de venir gâter le changement vers la démocratie dont ils rêvent et ont besoin.
J’ai travaillé durant sept ans en Algérie et j’ai connu un très grand nombre d’Algériens dont beaucoup de jeunes. Je n’ai presque jamais constaté chez ces derniers des sentiments antioccidentaux, de la violence, du dogmatisme, de la haine de l’autre, du non-respect des femmes... Pourtant, je les ai trouvés souvent frustrés devant la condition dans laquelle ils se retrouvaient, choqués, blessés et désespérés de ne pouvoir rien faire de leur vie. Je les voyais grandir debout aux coins des rues, sans argent, sans emploi et sans espoir, d’année en année. Plusieurs, mais pas tous, trouvaient dans la prière un refuge, dans l’Islam la solution. Mais elle n’est pas venue.
Par contre, la télévision, l’internet, les communications, les développements technologiques leur ont fait connaître la qualité de vie, la liberté et le potentiel d’un développement personnel qui existent de l’autre côté de leurs frontières, du côté de l’Occident où est la démocratie. Ils en avaient le goût et espéraient un miracle, et voilà que les Tunisiens leur ont montré le chemin. Ils sont maintenant encouragés, motivés et prêts à tout faire pour enfin se sortir des méandres interminables où ils se trouvent et obtenir leur part de cette qualité de vie. Ils ne laisseront pas les fanatiques religieux de leur pays leurs enlever cette opportunité.
Le cœur et la raison dictent aux arabes que la démocratie est la solution. Ils sont prêts à y accéder, à moderniser à leur façon leur pays et même à participer, comme leurs ancêtres, au développement universel.
Ils savent que leur prochain gouvernement ne peut être islamiste car ce serait limiter « la tolérance mutuelle entre majorités et minorités d’origines différentes, la liberté de conscience de chaque citoyenne et chaque citoyen, l’égalité des droits, notamment entre hommes et femmes ». Ils comprennent que la laïcité permettra d’atteindre ces objectifs.
Nous sommes témoins actuellement d’une révolution tsunamienne du monde arabe. Cela est aussi important que le fut le renversement du communisme en Russie et en Europe de l’Est des années ‘90. Ce sont des moments qui libèrent les peuples et changent profondément le monde.
Claude Dupras