Après un rendez-vous manqué à l'automne dernier pour cause d'arrêt définitif du podcast dont il était l'un des deux cofondateurs, utopod, nous retrouvons donc Lucas Moreno, mais sous un jour nouveau. En effet, c'est ici l'écrivain qui a eu la gentillesse de répondre à quelques-unes de mes questions.
A.C. de Hænne : Bonjour Lucas. Tout d'abord, pourrais-tu te présenter aux lecteurs du blog de A.C. de Hænne ?
Lucas Moreno : Merci de m’accueillir sur ton blog ! Je crois bien que c’est ma première interview en tant qu’auteur uniquement (j’ai enfin pu remiser mes casquettes d’audioéditeur et de traducteur dans un tiroir).
Je suis né en Uruguay, puis ma famille s’est installée en Suisse quand j’avais huit ans. J’ai toujours voulu écrire, mais jusqu’à vingt-huit ans je me suis concentré sur d’autres domaines : langues étrangères, culture asiatique, musique, enseignement, carrière universitaire, traduction, etc. Et puis en 2002, j’ai commencé à bosser comme journaliste culturel pour divers journaux romands. Le fait de produire du texte tous les jours, de devoir tenir des délais, de pouvoir enfin écrire autre chose que de l’académique, comment dire, ça m’a dégourdi les phalangettes, et je me suis rapidement mis à écrire des nouvelles de SF et de fantastique. J’ai toujours eu une passion pour l’écriture, mais je ne savais pas comment m’y prendre : mes profs de collège et de lycée m’encourageaient, mais ils voulaient que j’écrive comme Flaubert, comme Proust, alors que moi je lisais des comics, du Barjavel, de l’Asimov, du Cavanna, du Simak, des choses beaucoup plus populaires, punchy, stimulantes pour mon imagination. Il m’aura fallu vingt-huit ans pour boucler la boucle et comprendre qu’il me suffisait d’écrire… ce que j’aimais lire !
A.C. : Avant d'en venir à ton actualité d'écrivain, j'aimerais revenir sur un fait qui a marqué les amateurs de SFFF : la fin d'Utopod. T'arrive-t-il de regretter ton choix ? Quelles ont été les réactions des auditeurs ? Peux-tu nous dire deux mots sur cette aventure qui a pris trois ans de ta vie tout de même ?
L.M. : Je ne regrette pas une seconde mon choix ! Je me sens soulagé, libre comme l’air, plein d’entrain pour mes projets personnels. Cela fait un bon moment que je travaille à temps partiel, le but étant de libérer un maximum de temps pour l’écriture, or ces dernières années je passais la majorité de mon temps libre à m’occuper d’utopod. Quelque chose ne fonctionnait pas. Maintenant tout va beaucoup mieux : je consacre plusieurs heures par jour à l’écriture et je me sens enfin en phase avec moi-même. Les auditeurs ont été adorables : ils m’ont soutenu dans mon choix, ils m’ont félicité pour ce que j’avais fait, ils ont compris… ça m’a vraiment fait chaud au cœur. Utopod aura été une expérience très enrichissante, aussi bien en termes humains que professionnels (j’ai appris divers métiers, et le savoir accumulé m’est d’ailleurs utile pour l’écriture). J’ai passé de belles années à produire l’émission, mais j’avais envie de tourner la page. C’est maintenant chose faite.
A.C. : Venons-en à présent à l'écriture. Je t'ai découvert en tant qu'écrivain en lisant deux nouvelles parues dans la revue Bifrost. La première, c'est P.V. (dans le numéro 49, spécial Silverberg) et la deuxième, c'est la formidable nouvelle intitulée Demain les eidolies (dans le numéro 55, spécial Roger Zelazny). Que peux-tu nous dire sur ces deux nouvelles ?
L.M. : J’ai eu l’intuition de « PV » dans un rêve. Je me promenais dans le quartier de mon enfance, à Montevideo, et c’était la fin du monde, il n’y avait plus personne dans les rues, tandis que les oiseaux chantaient des mélodies que je connaissais et qui m’émouvaient. De fil en aiguille, une idée en appelant une autre, je suis arrivé à la trame de la nouvelle. Elle parle de réalité virtuelle et n’est pas bien originale, mais c’est la première nouvelle de SF pure dont je sois vraiment satisfait.
« Demain les eidolies » est partie de deux expériences : un film de Mael Le Mée (musique de Jérôme Noirez) projeté aux Utopiales 2005 et… le mur crépi de mes toilettes. Poétique, n’est-ce pas ? Le film, complètement déjanté, parlait d’eidolies, ces formes troublantes qu’on devine dans les nuages, dans un repli de chemise, sur un toit de maison. Les murs de mes toilettes affichaient un relief abondant qui allumait mon imagination à chaque séjour. Je repérais de plus en plus de formes, et j’en suis venu à créer une histoire en reliant les motifs qui tapissaient la surface.
A.C. : Oui, ça m'arrive aussi de voir des choses dans le crépis de mes toilettes... Je sais aussi que tu es au sommaire de l'anthologie Malpertuis II. Quel est le titre de la nouvelle, et que peux-tu nous en dire ?
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui. La suite de ce passionnant entretien arrive dès demain...
A.C. de Haenne