Le Superjet 100 va entrer en scčne.
Le biréacteur régional russe Sukhoi arrive, mais sans se presser. Les autorités moscovites de l’aviation civile, Interstate Aviation Committee, viennent de lui attribuer une certification, non pas provisoire, mais incomplčte. Pour éviter des retards supplémentaires, l’avion va pouvoir entrer en service moyennant des restrictions opérationnelles qui concernent notamment les vols par températures extręmes.
Cette maničre de procéder pour le moins inhabituelle laisse deviner des difficultés qui ne sont pas mises sur la place publique. Du coup, le Superjet 100 est limité, pour l’instant, ŕ la Russie et aux autres pays de l’ex-URSS. La certification de l’agence européenne AESA est attendue dans six mois environ et, aussitôt acquise, l’appareil de Sukhoi fera sa véritable entrée en scčne.
L’opération est suivie avec la plus grande attention dans la mesure oů elle symbolise, en principe, un grand tournant dans le devenir et les ambitions renouvelées d’une industrie qui fut puissante mais éprouve de sérieuses difficultés ŕ s’adapter ŕ un monde qui, pour elle, est entičrement nouveau. Et cela bien que la guerre froide et la chute du Mur de Berlin remontent ŕ plus de deux décennie.
Le Superjet a tout l’air d’un avion bien né, construit sur des bases commerciales crédibles, sous la conduite d’une équipe techniquement puissante, et capable de bien s’entourer. Boeing ne joue plus qu’un rôle discret de conseiller, semble-t-il, mais les Russes ont tissé des liens étroits avec le groupe italien Finmeccanica dont l’apport est considérable, y compris en matičre de marketing (lequel est mené au départ de Venise).
L’industrie française est aussi en premičre ligne, principalement ŕ travers Safran : la propulsion du Superjet 100 est en effet assurée par un nouveau venu, PowerJet, résultat d’une alliance entre Snecma et NPO Saturn. D’autres éléments importants comme le train d’atterrissage et de nombreux équipements sont également français.
Le développement du biréacteur ŕ 75-95 places n’a pas été facile pour autant. Il a (évidemment) pris du retard et, cette année, quatorze exemplaires seulement seront livrés aux clients de lancement, moitié moins que ne le prévoyait le plan initial.
L’essentiel est de mesurer la crédibilité d’un avion de ligne russe sur le marché international, notamment en matičre de support aprčs-vente. Certes, l’apport italien sera précieux mais Finmeccanica n’est pas précisément un ténor en la matičre. Le bilan, ŕ ce jour, est de 170 commandes mais certains acheteurs de la premičre heure se sont désistés. D’autres n’ont pas résisté ŕ des offres alléchantes d’une concurrence féroce. Ainsi, coup dur psychologique, Alitalia, pourtant naturellement proche de l’industrie italienne, a préféré Embraer ŕ Sukhoi tandis que Mitsubishi vient de remporter une belle victoire, son MRJ étant retenu par le groupe américain Trans States Holding.
En un deuxičme temps, la Russie va chercher ŕ imposer un avion encore plus ambitieux, le MS21, dans le cadre d’une concurrence frontale avec Airbus, Boeing et le Chinois Comac. Y aura-t-il trop d’appelés et peu d’élus ? La question est prématurée mais il n’est évidemment pas interdit de la poser sans plus attendre.
Pierre Sparaco - AeroMorning